Les aventures de François d’Arabie

Fawzia Zouria

Publié le 21 janvier 2014 Lecture : 2 minutes.

Depuis qu’il est à l’Élysée, François Hollande a renoué avec son humour après s’être astreint, durant la campagne présidentielle, à une cure de sérieux et à un régime sans blagues. Le voici qui retrouve son tempérament, surtout quand il a affaire aux Arabes ! L’on se souvient de son voyage au Maroc, en avril 2013, lorsque, accueilli par un déluge – comme le jour de son investiture -, il avait lancé : "Je viens, il pleut." Avant de citer une phrase attribuée au maréchal Lyautey : "Gouverner, c’est pleuvoir." Et de conclure : "Nous réussirons au-delà de nos espérances !" Le 16 décembre, lors du soixantième anniversaire du Conseil représentatif des institutions juives de France, évoquant la visite de son ministre de l’Intérieur à Alger, Hollande s’esclaffe : "[Manuel Valls] est rentré sain et sauf, c’est déjà beaucoup !" Le 30 décembre, alors qu’il est en Arabie saoudite, il reçoit en cadeau un sabre qu’il s’empresse de brandir en souriant : "J’en aurai besoin !" Un peu plus tard, devant une maquette de Riyad datant de 1918, il taquine l’ex-ministre de la Culture, Jack Lang, 74 ans, qui l’accompagne : "Tu n’étais pas venu, toi, en 1918 ?" Puis, dans la même journée, passant devant un canon exposé, il demande à son ministre de la Défense : "C’est ce dont tu as besoin ?" Et Le Drian de répliquer du tac au tac : "Je vais te donner des cours si tu veux !"

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C’est dire si les pays arabes fournissent au président français des occasions de se marrer. Rit-il de bon coeur et sans arrière-pensée ou se moque-t-il intentionnellement de ses hôtes ? Cède-t-il à son penchant de blagueur ou au réflexe de l’Occidental qui peine à prendre au sérieux ses partenaires en keffieh et burnous ? En tout cas, une analyse des blagues "hollandiennes" renseigne sur un imaginaire européen resté inchangé sur le monde arabe. Un monde encore perçu comme dangereux et imprévisible, à visiter le "sabre" à la main si l’on veut en repartir "sain et sauf". Celui qui y met le pied se prend à songer à ces aventuriers d’Orient de jadis, mi-rêveurs, mi-soldats, mi-poètes, mi-stratèges, parcourant les dunes au bruit des "canons", de Lyautey à Lawrence d’Arabie.

Hélas ! L’Orient, c’est fini, monsieur le président. Les Algériens comme les Saoudiens ne sont plus des peuplades méchantes. Il leur arrive même de voler au secours de l’économie de la France et de booster la carrière de ses candidats aux élections. Mais, bon, on ne va pas en vouloir à notre François, ni s’offusquer de ses sorties. Surtout qu’il rit si peu en ce moment dans son propre pays, avec à ses trousses des hordes d’électeurs déçus la feuille d’impôt entre les dents, vociférant contre la crise, le chômage, et maintenant la Centrafrique ! Demandons-lui juste de reconnaître que, dans son cas, le rire est devenu une denrée rare et que seuls les Arabes lui en procurent, et à bonne dose.

Moi, si j’étais à la place des princes du Golfe ou des dirigeants du Maghreb, j’agirais en Arabe digne de sa réputation : avec le chef des Gaulois j’essaierais de troquer quantité de rires contre des missiles à bon prix et des titres de séjour supplémentaires pour mes hommes d’affaires en babouches.

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