Musique malienne : Vieux Farka Touré, des notes contre les bottes
Le musicien malien de blues-rock Vieux Farka Touré défend son nouvel album, « Mon pays ». Composé en partie au Mali pendant la guerre dans le Nord, cet opus lui donne l’occasion de se rapprocher de ses racines.
Un petit hôtel parisien au pied des Invalides. Vieux Farka Touré est en tournée, entre l’Afrique, l’Europe et les États-Unis, mais ne perd jamais de vue son prochain retour à la maison, au Mali. "J’ai moins de stress là-bas. C’est compliqué de vivre ailleurs", assure le guitariste. Cet attachement à sa terre sahélienne est condensé dans un nouvel album intitulé Mon pays. À 32 ans, le natif de Niafunké sort un disque qui respire davantage ses racines africaines que les précédents. Calebasse, djembé, kora et n’goni côtoient guitares, piano et basse. "Il est plus acoustique, plus malien, c’est vrai. Pour autant, je ne ferme pas la porte au rock’n’roll."
Héritier du légendaire guitariste de blues Ali Farka Touré, Vieux a fait ses armes derrière des percussions à l’Institut national des arts de Bamako (INA) et commencé, secrètement, à pratiquer l’instrument de son père en 2001. Il n’avoue que très tardivement au patriarche qu’il souhaite vivre de la musique et faire des albums. Celui-ci envisageait pour lui plutôt une carrière militaire. Un an avant sa disparition, en 2006, le rejeton lui annonce la sortie de son premier album. Résigné, le père enregistre finalement quelques titres avec lui… et adoube ainsi son fils.
Intervention française au Mali : quelles sont les contreparties acceptées par le pays ?
Certaines chansons de Mon pays ont été écrites sur la route, tandis que d’autres l’ont été à la maison, inspirées directement par un Mali alors en pleine crise. Le Nord venait de plier sous le poids des armes touarègues avant de céder à la folie des jihadistes. Vieux compose notamment "Yer Gando" et "Allah Wawi" avec ce message : "Pour tous ceux qui se sentent maliens, notre pays est beau, ces gens ne sont pas maliens, ce sont des bandits."
"Dans ces chansons, je parle à tout le monde, explique-t-il, y compris au MNLA [Mouvement national de libération de l’Azawad], qui demande l’indépendance et pille ce pays !" Son opinion sur l’intervention française ? "J’ai apprécié mais je me pose des questions sur les contreparties consenties par mon pays. Ont-ils conclu des accords ?"
Faut-il entendre le début d’un engagement politique, à l’instar de son père qui fut maire jusqu’à la fin de sa vie ? "Je suis artiste, je ne veux pas que mon nom soit associé à un bord politique, même si le président actuel, Ibrahim Boubakar Keïta, était un ami de mon père." Même en musique, l’enfant de la balle ne souhaite pas être le rentier d’un patronyme : "Je ne veux pas qu’on pense que j’utilise le nom de mon père. Il était le meilleur dans son style, j’essaie d’être le meilleur dans le mien", point final. Rien à craindre a priori : nombreux sont les journaux dans le monde, du quotidien américain The New York Times au britannique The Guardian, qui reconnaissent déjà son talent et la richesse de son oeuvre.
"Reste fidèle à ce que tu es et le public te suivra"
Aujourd’hui, celui qui s’est fait un prénom travaille sur un duo avec un autre fils du sérail, Sidiki Diabaté, issu d’une longue lignée de joueurs de kora. Et peu importent les qu’en-dira-t-on : "Reste fidèle à ce que tu es et le public te suivra", philosophe-t-il. Pas de compromis donc, malgré la précarité du métier, qu’il reconnaît volontiers, sans plainte, et tout en relativisant : "Les militaires aussi ont une vie précaire." Jolie pirouette de celui qui préféra les notes au bruit des bottes.
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