La douce médecine de Danièle Henkel

Fille d’une juive marocaine et d’un Allemand, cette self-made woman a monté son entreprise en commercialisant, au Canada, un gant bien connu des adeptes du hammam.

C’est en prenant une douche que l’entrepreneure a trouvé sa voie. © J.-F. Leblanc/Stock photo pour J.A.

C’est en prenant une douche que l’entrepreneure a trouvé sa voie. © J.-F. Leblanc/Stock photo pour J.A.

Publié le 22 janvier 2014 Lecture : 4 minutes.

« Mon identité, je la veux universelle. » Ce leitmotiv, ambitieux pour certains, colle à la peau de Danièle Henkel, qui a bâti Les Entreprises Danièle Henkel Inc., société familiale florissante et multiculturelle d’une trentaine d’employés spécialisée dans le bien-être, la santé et les produits de beauté. Dans le hall d’entrée du siège social, situé rue Thimens, à Pierrefonds, au coeur d’une zone industrielle à l’ouest de Montréal, les coupures de journaux encadrées se côtoient sur les murs, donnant aux visiteurs un aperçu de la success-story de la fondatrice. Large sourire, mine radieuse, la maîtresse des lieux maîtrise parfaitement l’art des médias – qu’elle côtoie actuellement pour la promotion de son autobiographie, Quand l’intuition trace la route. Un livre où elle rend hommage à sa mère, dont elle a tiré sa combativité, ciment de son rêve américain.

Danièle Henkel est une femme accessible, qui se livre naturellement, n’hésitant pas à glisser des confidences off sur ses enfants, qui oeuvrent tous à ses côtés. Voix posée, ton chaleureux, elle évoque un empire qui « tourne autour de l’humain dans sa globalité ». L’originalité de l’entreprise réside dans son éclectisme : elle propose des solutions non chirurgicales aux professionnels de la santé, des équipements aux salons de beauté, des produits cosmétiques naturels ou encore un laboratoire de « diagnostic d’hypersensibilité alimentaire », plus pointu qu’un test d’allergie classique… Le plus important, souligne la femme d’affaires, est de comprendre que « le corps est un temple sacré qu’il faut préserver psychologiquement et physiquement ». Depuis la création de son premier gant exfoliant naturel nommé Renaissance, cette devise a fait le succès de l’entreprise. Une réussite qui a permis à Danièle Henkel d’être choisie, en 2012, comme l’un des cinq juges d’une émission de téléréalité sur l’investissement, Dans l’oeil du dragon, diffusée sur la chaîne nationale. La « dragonne » a su séduire le public par sa sincérité et l’écoute accordée aux entrepreneurs sollicitant un financement.

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Danièle Henkel est née en 1956 à Oujda, au Maroc. Malgré l’absence de son père, soldat porté disparu, et les diverses mésaventures d’affaires de sa mère, Éliane Zenati, elle a bénéficié d’une enfance aisée. Installée à Oran, la jeune fille énergique entame l’université, mais obéit à son frère quand il décide de la marier à l’un de ses amis. De cette union naîtront quatre enfants. En 1977, la jeune mère de 21 ans devient secrétaire de direction chez Pullman Kellogg, une multinationale américaine, puis entre au consulat des États-Unis où elle excellera dans les relations diplomatiques. En 1988, l’Algérie entre dans ses années sombres et Danièle songe à l’avenir de ses enfants. « J’ai eu un très mauvais pressentiment », se souvient-elle.

Contre l’avis de son époux et de sa mère, elle choisit de rejoindre le Canada, où elle avait participé à un séminaire un an auparavant. Le 8 janvier 1990, elle débarque néanmoins à Montréal avec son mari et sa fille aînée. Sa nouvelle réalité est douloureuse : à 34 ans, elle est sans emploi, habite le sous-sol d’un immeuble et la moitié de sa famille est en Algérie…

La jeune immigrée va trouver un emploi dans un centre de services communautaire, devenir secrétaire de direction chez Claudel Lingerie et acheter sa première maison en banlieue pour sa famille réunie. Elle relèvera ensuite le défi de rentabiliser une entreprise américaine, Entertainment Publications, qui ne parvenait pas à percer sur le marché québécois des coupons de réduction. Pari réussi, mais après dix-huit mois, elle démissionne, à la limite de l’épuisement. Sans objectif clair, elle enchaîne cours en immobilier, ventes de produits Tupperware et formation en commerce international. En 1995, ayant pris goût à l’entrepreneuriat, elle se met à chercher une idée rémunératrice.

Un soir, sous la douche, fatiguée et inquiète, la nostalgie du hammam la gagne. De là naît l’idée du gant Renaissance. Sans financement, elle en commande 2 000, en Chine puis au Maroc, pour tester le marché. D’abord vendu en faisant du porte-à-porte auprès des centres d’esthétique, le gant devient un succès, rapportant quelque 100 000 dollars (69 000 euros) de revenus en quelques mois. En 1999, Danièle Henkel reçoit le prix de l’entrepreneure de l’année décerné par le Réseau des femmes d’affaires du Québec. Elle fonde alors Les Entreprises Danièle Henkel Inc. En 2009, la société signe avec le groupe français LPG, leader des traitements non chirurgicaux, pour la distribution de leur technologie au Canada. L’entreprise sera couronnée « PME familiale de l’année » au Québec en 2012, avec un chiffre d’affaires d’environ 5 millions de dollars.

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Du Maroc, où elle retourne parfois, et de l’Algérie, dont elle garde des souvenirs précieux empreints « de passion, d’odeurs, de musique », Danièle Henkel retient l’altruisme et la générosité. Ce qui la motive chaque jour ? « Ce n’est pas la religion, mais l’amour, une force incroyable qui nous permet de percevoir la souffrance et la joie. Pour se définir en tant qu’être humain, on a besoin des autres, il faut travailler main dans la main. »

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