Restitution d’œuvres d’art à la RDC : entre procédures législatives et visite royale
Une nouvelle étape législative belge devrait permettre une avancée dans le retour d’objets patrimoniaux illégalement acquis dans « l’État libre du Congo », à l’époque du roi Léopold II. Un processus que les officiels souhaitent dépassionné, mais qui ne saurait être dépolitisé…
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 20 mai 2022 Lecture : 2 minutes.
Même très à la mode en pleine contrition occidentale et en plein wokisme, la restitution du patrimoine africain spolié aux époques coloniales n’est pas un long fleuve tranquille. Il y a loin de la coupe politicienne aux lèvres muséales. Il faut notamment respecter de complexes rendez-vous légaux. Après l’emblématique cas béninois, la République démocratique du Congo et l’ancien colon belge progressent législativement dans ce labyrinthe.
Caractère aliénable des biens
Ce mercredi 18 mai, la commission des institutions fédérales de la Chambre des représentants de Belgique adoptait, en première lecture, les articles du projet de loi « reconnaissant le caractère aliénable des biens liés au passé colonial de l’État belge et déterminant un cadre juridique pour leur restitution et leur retour ». Voilà donc balisé juridiquement le terrain de rétrocessions prochaines d’œuvres d’art illégalement acquises dans un périmètre géographique et une période historique définis : la République démocratique du Congo entre 1845 et 1960, le Rwanda et le Burundi entre 1845 et 1962. Le texte devrait être définitivement voté dans le courant du mois de juin.
Si le secrétaire d’État belge Thomas Dermine souhaite un processus scientifique « le plus dépassionné possible », l’époque évoquée n’est pas anodine, notamment pour l’ancien État indépendant du Congo qui fut, dans un premier temps, une propriété personnelle du roi Léopold II. Propriété où se déployèrent travail forcé, humiliations, mutilations ou encore spoliations d’œuvres d’art. Au-delà de 1960, il est même question de reliques comme une dent de Patrice Lumumba, rare témoignage d’un corps dissout dans l’acide. Le seul AfricaMuseum de Tervuren détient 84 000 pièces originaires du pays…
Venue hautement symbolique
Tout aussi politique fut l’actuel roi belge Philippe en exprimant, en 2020, de « profonds regrets » historiques pour les actes de « violence et de cruauté » commis durant la période de la colonisation, et aujourd’hui détectables dans « les discriminations encore présentes dans nos sociétés ». L’arrière-plan des restitutions sera même le meilleur décor qui soit pour le séjour du souverain belge en terres congolaises, du 7 au 13 juin prochain, accompagné de la reine Mathilde et du Premier ministre Alexander De Croo. Première visite royale belge en RDC depuis le voyage d’Albert II en 2010 pour le cinquantenaire de l’indépendance congolaise.
Après le vote de la loi reconnaissant le caractère aliénable des biens liés au passé colonial, une commission réunissant des scientifiques des deux pays devra étudier – certainement en 2023 – l’origine frauduleuse ou non de chaque objet. S’il veut exhiber un patrimoine historique récupéré, le président Tshisekedi devra peut-être d’abord être réélu…
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