Un académicien en pyjama
L’année littéraire 2013 en France n’aura pas été marquée par la remise des prix littéraires en novembre dernier, mais par l’élection à l’Académie française de mon confrère et ami de longue date Dany Laferrière. Une nouvelle qui fut accueillie avec une unanimité sans précédent dans la presse française et internationale, fait très rare quand on sait qu’à l’Académie les élections sont souvent incertaines et obéissent aux humeurs de ces Immortels qui rechignent à ouvrir leurs portes même aux écrivains bien « installés ».
Dany Laferrière vient de loin. Auteur de plus d’une vingtaine de livres, originaire d’Haïti, Québécois « d’adoption », le voilà qui occupe le siège laissé par Hector Bianciotti, écrivain d’origine argentine, et qui, dans le passé, fut aussi celui d’Alexandre Dumas et de Montesquieu, l’auteur de De l’Esprit des lois. L’entrée de Laferrière à l’Académie française sonne une ère nouvelle : celle de la décentralisation effective de la langue française, de la rupture de ce cordon trop serré qui la ligotait à la France et la paralysait dans ses pérégrinations à travers le monde. L’auteur québécois-haïtien était « l’écrivain sur mesure » pour symboliser cette mutation…
Connu depuis plusieurs décennies dans le monde entier pour son livre au titre détonnant Comment faire l’amour à un nègre sans se fatiguer, l’auteur est un personnage de premier plan de la scène culturelle québécoise. Il n’avait réellement été salué en France qu’en 2009 avec le prix Médicis qui lui fut décerné pour son merveilleux récit L’Énigme du retour. Son dernier ouvrage, Journal d’un écrivain en pyjama, est une véritable bibliothèque ambulante, une source dans laquelle on retrouve les auteurs qu’affectionne le nouvel académicien à travers cent quatre-vingt-deux chapitres brefs, incisifs, cocasses, mais toujours profonds et intelligents, concourant tous à nous inciter à la lecture et, au passage, à l’écriture, à travers des conseils destinés aux écrivains en herbe. Borges, Voltaire, Césaire, Hemingway et bien d’autres sont ici convoqués avec une décontraction désarmante de l’auteur qui nous laisse entendre en substance que la littérature est aussi une fête et que ceux qui se prennent au sérieux ne sont pas forcément écrivains. « Écrire est d’abord une fête intime », souligne-t-il. Ou encore : « Une journée est parfaite quand on se met subitement à danser avec la chaise sur laquelle on s’était assis pour écrire. » L’élection de Laferrière fut, pour nous aussi, « une journée parfaite » !
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