« Off The Wall » : Anna-Alix Koffi, révélatrice

Fonceuse, cette « parivoirienne » trentenaire, amoureuse des images, a lancé son propre magazine photo, dans un milieu pourtant saturé.

Anna-Alix Koffi déclare : « J’aime me demander quelle est l’histoire de l’image que je regarde. » © Hélène Jayet/Transit pour J.A.

Anna-Alix Koffi déclare : « J’aime me demander quelle est l’histoire de l’image que je regarde. » © Hélène Jayet/Transit pour J.A.

Publié le 10 janvier 2014 Lecture : 4 minutes.

« Je crois que je suis un peu dingue de me lancer là-dedans ! » De l’aveu même d’Anna-Alix Koffi, le pari est énorme. Produire un « photozine » uniquement sur papier, sans publicité et sans financement. Off the Wall est une superbe grenade entre les mains de sa fondatrice-rédactrice en chef-directrice artistique. Mille exemplaires chaque trimestre d’un « album d’images », selon ses mots, en grand format. Cent quatre-vingt-dix pages granuleuses, odorantes et lumineuses pour « révéler la photo émergente et réveiller les images méconnues ». Dix opus prévus, la tranche de chaque parution ornée de l’une des dix lettres du titre, pour les collectionneurs. « Après deux numéros salués par le milieu, explique Anna-Alix, je dois montrer mon sérieux avec un troisième, en espérant atteindre l’équilibre financier. J’ai fait du tapage à Paris Photo en novembre, j’ai foncé à Istanbul juste après puis à New York, et maintenant je m’arrête un peu. » Off the Wall mêle images anciennes et travaux de photographes prometteurs. On y trouve des présentations de la jeune photographie en Turquie, au Mali ou en Lituanie, des clichés de rue anonymes, des interviews croisées entre un maître et un débutant… « Elle me fait penser à un créateur de start-up : persévérant et impatient, analyse l’artiste plasticien franco-béninois Dimitri Fagbohoun. C’est une « diggeuse » : elle se creuse la tête pour proposer des nouveautés dans un milieu surchargé. »

« Moi, j’ai un oeil, mais mes collaboratrices sont des puits de connaissance », reconnaît la jeune femme de 34 ans. Un mélange de grande confiance et de modestie qui la caractérise. Dans le petit local de la revue-livre, au fond d’une cour parisienne, elle attend une livraison entourée de cartons. Arrivée en Vespa bleu métallisé, elle parle aussi vite qu’elle se lance dans de nouveaux projets. Comme celui d’apprendre le japonais, à l’âge de 15 ans.

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Formée en histoire, Anna-Alix Koffi devient d’abord journaliste puis participe en 2012 au lancement de la revue photo More. Elle apprend vite et quitte bientôt l’équipe pour créer Off the Wall. « Je suis entrée dans la photo par les magazines de mode à la grande époque des top-modèles, dans les années 1990, se souvient-elle. J’aimais aussi les photos qui ressemblaient à des tableaux. Helmut Newton, Guy Bourdin, j’ai commencé avec du vintage ! J’aime me demander quelle est l’histoire de l’image que je regarde. Et j’aime l’esthétisme. » Long pull bleu marine sur jean, grands bijoux en or, sa main fermée soutient joliment son menton ; l’autre, ouverte, se loge sur sa nuque.

La première fois qu’elle étudie l’impact des photos, elle a 22 ans et rédige son mémoire de maîtrise : « L’image de la femme dans les publicités de Côte d’Ivoire entre 1956 et 1978″. Pour l’occasion, elle fouille dans les archives de son pays natal. Fille unique d’un père qui fournit des meubles aux administrations, elle vit une enfance insouciante jusqu’à l’âge de 4 ans. Quand son père décède, sa mère et elle s’installent en France, où leur situation économique est bien plus difficile. « C’est de ma mère que je tiens mon côté battant. Elle m’a appris que tout était possible. » L’étudiante aime pouvoir s’offrir de beaux objets et travaille le soir dans un hôtel quatre étoiles. « En tant que serveuse, elle croisait quotidiennement le créateur Michel Klein, se souvient Constance Rebholz, une amie, associée du couturier libanais Rabih Kayrouz. À force d’humour et de panache, elle a fini par être embauchée pour la communication de sa nouvelle boutique. C’est typique du caractère d’Alix, qui n’a peur de rien. »

La jeune femme est une « parivoirienne », à la fois profondément parisienne et ivoirienne. Elle court les expos et revendique ses origines abourée, appolo et bétée. Mais son dernier voyage en Côte d’Ivoire remonte à 2006. « J’espère y aller en 2014 pour découvrir le centre et le nord du pays. » L’Afrique est cependant très présente dans Off the Wall. La rubrique « On the map » du numéro 1 est consacrée à l’Afrique de l’Ouest. On y voit aussi des oeuvres du Sénégalais Omar Victor Diop et du Franco-Américain Antoine Tempé, objets d’un partenariat avec Onomo Visual Art, un projet de mécénat de l’hôtel Onomo d’Abidjan. Leurs photos mettent en scène des Africains dans de célèbres plans du cinéma mondial, Matrix ou Diamants sur canapé. « Je n’avais pas décidé de consacrer une place spéciale à l’Afrique, mais après tout, c’est aussi mon identité », réfléchit celle à qui on a plusieurs fois demandé si son photozine était consacré au continent.

Anna-Alix aime elle aussi photographier. Avec un Olympus ou via l’application smartphone Hipstamatic, elle prend les gens sur la plage. Ou une belle porte à Paris. Et son fils de 10 ans, Paul-Kofi. « Mais je préfère mettre les autres en avant, par respect pour leur talent. Et parce que si je m’y mets vraiment, j’y consacrerai tout mon temps et je risque de laisser tomber le magazine ! » rit-elle.

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