Algérie : Abdelaziz Bouteflika et les happy few
Absent de la scène publique depuis plusieurs mois pour raisons de santé, le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, n’accorde pratiquement plus d’audiences. Hormis à quelques rares personnalités nationales et étrangères.
Article paru dans Jeune Afrique n°2765, mis à jour le 16/01/2014 à 14:06
Depuis son retour de France, le 16 juillet 2013, après trois mois de soins et de réadaptation fonctionnelle à l’hôpital militaire parisien du Val-de-Grâce – où il est à nouveau hospitalisé depuis le 13 janvier – , Abdelaziz Bouteflika n’a fait aucune apparition publique. L’absence du président algérien est compensée par une communication tous azimuts de son Premier ministre, Abdelmalek Sellal, qui, à chaque question sur l’état de santé du locataire d’El-Mouradia, répond inlassablement : "Il va très bien et m’a chargé de vous embrasser." Mais point de bulletin de santé. En revanche, le moindre message de félicitations envoyé à l’un de ses homologues à l’occasion d’une fête nationale fait la une du journal télévisé de la chaîne publique. Qu’il s’agisse de la Micronésie, de la Hongrie ou de la principauté d’Andorre. C’est pourquoi les rares audiences que Bouteflika accorde à des personnalités nationales ou étrangères sont devenues, aux yeux de l’opinion, des "preuves de vie".
>> Lire aussi : Abdelaziz Bouteflika : quel est son réel état de santé ?
Depuis septembre, Bouteflika n’apparaît que deux fois en conseil des ministres
Peu de nationaux peuvent se prévaloir d’avoir rendu visite au plus prestigieux des patients algériens. Depuis le dernier remaniement gouvernemental, le 11 septembre 2013, nouveaux et anciens ministres n’ont vu Bouteflika qu’à l’occasion de deux Conseils des ministres : celui du 29 septembre pour l’adoption de la loi de finances 2014 et celui du 30 décembre, pour la signature solennelle de cette loi, conformément à l’impératif constitutionnel qui dispose que le budget de l’État est paraphé par le chef de l’État avant le 1er janvier de l’année d’exercice. Au sein de l’exécutif, outre le Premier ministre, présent lors de certaines audiences accordées à des personnalités étrangères et qui rend compte au président des activités de son gouvernement, deux hommes sont régulièrement reçus : le général Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major de l’armée et vice-ministre de la Défense, et Ramtane Lamamra, chef de la diplomatie. Avec une nette avance pour le premier, qui a vu le président une dizaine de fois, contre trois pour le ministre des Affaires étrangères. Aucun chef de parti se réclamant du programme présidentiel ou de l’opposition n’a eu droit à une telle faveur. La seule personnalité nationale n’ayant aucune fonction officielle à avoir été reçue est le diplomate Lakhdar Brahimi, émissaire de l’ONU et de la Ligue arabe pour la Syrie. Les images de cette audience accordée le 10 novembre montrent un Bouteflika debout, une première depuis son accident vasculaire cérébral du 27 avril 2013, avec à ses côtés deux jeunes neveux, fils de son frère et conseiller Nasser, venus saluer leur oncle et son hôte.
Les visiteurs étrangers sont à peine plus nombreux. Depuis son retour de France, Bouteflika n’en a accueilli que sept : le maire de Paris, Bertrand Delanoë (26 novembre), le Premier ministre français, Jean-Marc Ayrault (16 décembre), le chef de la diplomatie chinoise, Wang Yi (22 décembre), le ministre qatari des Affaires étrangères, Khaled Ibn Mohamed al-Attia (19 décembre), le ministre émirati de la Culture, Cheikh Nahyan Ibn Moubarak Al Nahyan, et deux éminentes personnalités tunisiennes, Rached Ghannouchi et Béji Caïd Essebsi, reçues à deux reprises, en septembre et en novembre, chaque fois séparément et à vingt-quatre heures d’intervalle. Ce qui a accrédité l’idée que le président algérien menait une médiation pour régler la crise politique en Tunisie. "Pas du tout, corrige Caïd Essebsi, ancien Premier ministre de la transition. Bouteflika est un ami de cinquante-cinq ans et il est tout à fait légitime qu’en sa qualité de chef d’un État limitrophe il se préoccupe de ce qui se passe en Tunisie." Quant au leader d’Ennahdha, il réfute, lui aussi, toute médiation algérienne. "En recevant séparément le président du parti au pouvoir que je suis, déclare Ghannouchi, et le leader de l’opposition qu’est Si Béji, le président Bouteflika adresse un message à l’ensemble du peuple tunisien pour lui signifier l’importance qu’il accorde à la crise politique que nous traversons. Mais sa suggestion d’un pacte entre Ennahdha et Nida Tounes n’est qu’une spéculation de journaliste."
"Un président gouverne avec sa tête et non avec ses pieds"
Avant l’AVC du 27 avril, les audiences accordées par Bouteflika aux étrangers s’achevaient traditionnellement par une déclaration à la presse faite par le visiteur, accompagné par le président, sur le perron de Djenane el-Malik, résidence d’État, sur les hauteurs d’Alger. Ce protocole n’est plus de mise. Les images des audiences ne sont pas sonorisées. Aucun visiteur n’évoque l’état de santé de son hôte. Jean-Marc Ayrault s’est distingué en évoquant "le courage du président face à la maladie". Ghannouchi et Caïd Essebsi évoquent la nette amélioration de ses capacités physiques. "La première fois [le 11 septembre], il m’a salué assis, la seconde, il m’a accueilli debout", assure Ghannouchi. Quant à l’ami de cinquante-cinq ans, il est admiratif devant "la mémoire phénoménale de Bouteflika. Nous avons abordé de vieux souvenirs, rapporte Caïd Essebsi, des dossiers plus actuels, et j’ai été frappé par la lucidité de mon interlocuteur. On ne demande pas à un chef d’État d’être capable de courir un 100 mètres !" Paraphrasant l’ancien Premier ministre tunisien, Amara Benyounès, ministre algérien de l’Industrie et partisan d’un quatrième mandat de Bouteflika, répète à qui veut l’entendre : "Un président gouverne avec sa tête et non avec ses pieds."
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