Accaparement des terres : les pays du Golfe reculent
Face aux difficultés enregistrées en Afrique par leurs projets d’investissements agricoles pour assurer la sécurisation de leurs approvisionnements, les pays du Golfe réorientent leur stratégie d’investissement vers des territoires moins risqués, notamment les États-Unis et l’Europe de l’Est.
Pendant plusieurs années, les États pétroliers du Golfe persique, qui dépendent à plus de 80% des importations pour satisfaire leurs besoins alimentaires, ont largement investi dans l’achat de dizaines de milliers d’hectares de terres arables bon marché. Les pays du Sahel et de la Corne de l’Afrique, parmis lesquels l’Égypte, l’Éthiopie, le Maroc, le Mali, la Mauritanie, le Soudan du Sud et la Tanzanie, ont été des terres d’accueil privilégiées pour ces investissements. En 2008, suite à l’envolée des cours des denrées alimentaires, cette stratégie d’investissement a été renforcée. Mené en parallèle à des programmes coûteux de développement de la production alimentaire sur les sols arides de la péninsule arabique, ce volet de la politique de sécurisation des approvisionnements a rencontré de nombreuses difficultés en Afrique.
Déficit de viabilité des investissements
Portés par des compagnies telles qu’Al Dahra et Jenaan, des sociétés d’investissement basées à Abu Dhabi, des projets de plusieurs milliards de dollars ont vu le jour sur le continent africain. Ces derniers ont tout d’abord été confrontés à des infrastructures et des systèmes d’irrigation déficients voire inexistants, ainsi qu’au retard technologique des exploitations agricoles locales. Mais les investisseurs ont surtout éprouvé de grandes difficultés à s’adapter aux spécificités et aux attentes des populations et autorités locales. Cela malgré une volonté politique affichée par les États du Golfe d’accompagner des projets offrant aux populations locales des perspectives de développement économique. Ils ont notamment buté sur des aléas politiques aux niveaux local et national.
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Ainsi, Jenaan, qui a acquis plus de 67 200 hectares depuis 2007 en Égypte avec pour objectif d’y exploiter du fourrage pour nourrir le bétail de la péninsule arabique s’est vu imposer une taxe exceptionnelle d’exportation de 136 kilogrammes par tonne. Elle a également été affaiblie par des grèves et des pénuries d’électricité, si bien qu’elle exploite désormais du blé à destination du marché local. La société Saudi Star, détenue par le milliardaire saoudien d’origine éthiopienne Mohammed al-Amoudi, a quant à elle été victime d’une embuscade menée par un groupe armé en avril 2012 sur sa plantation de riz de 10 000 hectares qui a fait cinq victimes.
À la recherche de stabilité
Face à ces déboires, les États du Golfe adaptent leur stratégie et optent pour des investissements plus sûrs. Bien que les projets d’investissements en Europe, en Amérique du Nord ou en Australie soient plus chers et présentent un moindre potentiel de création de vastes exploitations agricoles, leur stabilité politique séduit les pays du Golfe. À côté des investissements greenfield sur le continent africain, qui requièrent d’importantes mises de fonds initiales, se développent des investissements dans des exploitations matures des pays industrialisés à la recherche de financements pour accélérer leur croissance.
Il s’agit plutôt d’une politique de diversification des risques que d’un revirement de situation.
Al Dahra a ainsi acquis huit sociétés agricoles en Serbie en mars dernier pour 400 millions de dollars et le Fonds pour le développement d’Abou Dhabi, a annoncé en parallèle un prêt de 400 millions de dollars à destination du secteur agricole serbe. Al Dhara a aussi réalisé d’autres investissements en Europe et sur le continent américain. Jenaan a pour sa part investi dans le secteur agricole aux États-Unis et en Espagne ; Hassad Food, la branche agricole du fond souverain qatari a créé une filiale en Australie dès 2009, active dans l’élevage et la culture céréalière.
Cependant, étant donné la situation agricole des États du Golfe, il semblerait qu’il s’agit plutôt d’une politique de diversification des risques que d’un revirement de situation. Ainsi Khalil al Shammari, directeur général de Jenaan, affirme sa volonté de poursuivre la politique d’acquisition de terres agricoles avec pour objectif de passer de 200 000 hectares à 1 million d’ici à 2020. L’Afrique devrait y occuper une place importante.
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