Burkina Faso : le régime de Damiba mené à la… baguette ?
Des professionnels burkinabè de la boulangerie annoncent que le prix de la « miche » de pain va augmenter de 33%. Une hausse que le gouvernement de Paul-Henri Sandaogo Damiba semble avoir minimisée…
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 25 mai 2022 Lecture : 2 minutes.
Les fondateurs du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), dirigé par Paul-Henri Sandaogo Damiba, aiment affirmer qu’ils contrôlent la situation d’un Burkina qui, avant eux, allait à vau-l’eau sur les plans sécuritaire, politique et économique. Or, si la Rome antique enseignait que le mécontentement populaire s’anesthésie avec « du pain et des jeux », les seconds semblent indécents, en pleine crise jihadiste, et le premier ne semble pas si accessible. Le 23 mai dernier, un communiqué de la Coordination des faitières de boulangeries burkinabè annonçait en effet que le prix de la baguette de pain de 200 grammes – communément appelée « miche » au Faso – passerait « de 150 à 200 francs CFA (…) pour compter de ce 24 mai 2022 à 22h ».
Il y a moins d’un mois pourtant, lorsque la Fédération burkinabè des patrons de boulangeries, pâtisseries et confiseries avaient annoncé ce probable réajustement du prix du pain, à l’issue de son assemblée statutaire, le porte-parole du gouvernement, Lionel Bilgo, rassurait qu’il n’y avait « pas d’inquiétude à se faire ». Et promettait, au sortir du conseil des ministres, des pourparlers.
Aujourd’hui, le ministre du commerce réaffirme le maintien du prix du pain à 150 francs CFA, indique que des concertations sont toujours en cours et annonce des contrôles sur le terrain. Quant à la Ligue des consommateurs, elle appelle le gouvernement à « siffler la fin de la récréation ».
Mètre-étalon de la « vie chère »
Le pain, comme dans de nombreuses contrées, reste un mètre-étalon de la « vie chère », ce thème qui, avec la gestion de la menace terroriste, constituait le principal motif des reproches faits au régime du déchu Roch Marc Christian Kaboré… Remontées, les organisations professionnelles frondeuses citent l’article 4 de l’arrêté n°2011-224 qui stipule que les boulangers peuvent ajuster le prix du pain si celui de la farine de blé connaît une hausse de 5 %. Tout en présentant leurs « sincères excuses », elles évoquent l’incontournable flambée du prix de ladite farine, dont la tonne serait passée « de 350 000 francs CFA à plus de 525 000 francs CFA ». Une hausse de 50 % de la matière première qu’elles ne souhaitent traduire que par une hausse de 33 % de la baguette.
Effet d’une crise ukrainienne que le régime ne pouvait anticiper ? La Fédération burkinabè des patrons de boulangeries, pâtisseries et confiseries évoque plutôt des difficultés rencontrées depuis environ deux ans. Peut-être pour ne pas avoir à revenir sur la hausse de prix après la fin du conflit…
C’est sous les jougs combinés de causes structurelles et conjoncturelles que l’Afrique subsaharienne subit des chocs inflationnistes contre lesquels elle a peu de marge de manœuvre. Suscitant notamment des inquiétudes pour le blé et le carburant, la guerre en Ukraine ralentit la croissance des pays africains, qui n’ont pas de gaz naturel liquéfié. Et le continent tarde toujours à promouvoir, au-delà des discours, la consommation locale, la diversification de l’économie, l’intégration régionale, la libération du potentiel du secteur privé ou encore l’ajustement des taux de change. Pendant ce temps, le Burkinabè lambda surveille le coût de son carburant – le pain– et de celui de son moyen de transport – l’essence.
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