D’où viendront les surprises ?

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  • Béchir Ben Yahmed

    Béchir Ben Yahmed a fondé Jeune Afrique le 17 octobre 1960 à Tunis. Il fut président-directeur général du groupe Jeune Afrique jusqu’à son décès, le 3 mai 2021.

Publié le 9 janvier 2014 Lecture : 5 minutes.

Dans les dernières semaines de 2013, le rédacteur en chef du Financial Times, Lionel Barber, s’est rendu à Téhéran pour interviewer Hassan Rohani.

Après sa rencontre avec le président, il a rendu visite à Ali Akbar Hachemi Rafsandjani, 79 ans, ancien président et indestructible vétéran de la politique iranienne, réputé pour son indépendance d’esprit et son franc-parler.

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Mon confrère a demandé à Rafsandjani s’il craignait pour son pays, en 2014, le bombardement de ses sites nucléaires par l’aviation israélienne dont le menaçait Benyamin Netanyahou.

– "Israël est un petit poisson. Et l’on n’a jamais vu un petit poisson en manger un gros", répondit Rafsandjani.

Jolie formule, mais que l’Histoire n’a pas toujours confirmée.

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L’Iran lui-même n’a-t-il pas subi, en 1980, l’assaut des troupes de Saddam Hussein, dont le pays est trois fois moins peuplé et moins vaste que l’Iran ? En juin 1941, Hitler n’a-t-il pas envahi l’immense Union soviétique, beaucoup plus peuplée que l’Allemagne, en pensant qu’il n’allait en faire qu’une bouchée ?

Il arrive donc, et plus souvent qu’on ne le pense, qu’un petit poisson fasse l’erreur de la grenouille qui se prend pour un boeuf…

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Habité par son idée fixe d’empêcher à tout prix l’Iran de devenir une puissance nucléaire ou même de se rapprocher de ce seuil, l’Israël de Netanyahou se hasardera-t-il au cours de cette année à lancer son aviation sur l’Iran ?

On espère que non. Mais qui aujourd’hui peut en donner l’assurance ? Qui peut dire que de ce Moyen-Orient compliqué ne surgiront pas, en 2014, de très mauvaises surprises ?

Un simple coup d’oeil permet de voir que cette région est, plus que toute autre, hérissée de points d’interrogation.

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1) Le premier est suscité par l’affaire syrienne : le 15 mars, elle fera son entrée dans sa quatrième année et, déjà, ressemble à la guerre civile espagnole des années 1936 à 1939, qui avait opposé les "nationalistes" aux "républicains".

Hier comme aujourd’hui, deux camps, dont chacun est voué à l’extermination de l’autre et ne recule devant aucun excès. Ces camps sont armés, financés et soutenus de l’extérieur par des puissances qui ont engagé leur réputation et leurs moyens pour empêcher le camp adverse de gagner.

La guerre de Syrie a-t-elle atteint son paroxysme ou bien assisterons-nous dans les prochains mois à un redoublement de violence et à l’élargissement du conflit aux pays voisins ?

Les puissances extérieures arrêteront-elles les frais, comme elles semblent le vouloir ? Ou bien persévéreront-elles dans l’affrontement "jusqu’au dernier Syrien" ?

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2) Où en est l’Égypte et où va-t-elle ?

Elle a mis un terme, le 3 juillet dernier, à la parenthèse de douze mois d’un régime dominé par les Frères musulmans.

Le président élu, Mohamed Morsi, l’a personnifié et, à l’incitation de sa formation, s’est octroyé un pouvoir plus étendu encore que celui qu’avait concentré entre ses mains Hosni Moubarak. Sans vergogne, les islamistes ont donc confisqué la révolution, suscitant le violent rejet d’une majorité d’Égyptiens.

En tout cas, le soulèvement populaire qui a appelé l’armée à les déloger a été plus impressionnant que celui qui avait abouti, le 11 février 2011, à la déposition de Hosni Moubarak.

On le voit clairement aujourd’hui : au cours du second semestre de 2013, une vraie contre-révolution a été mise en place ; cette même armée égyptienne qui avait renversé la monarchie en 1952 et pris le pouvoir, qu’elle a détenu de façon ininterrompue pendant près de soixante ans, s’y est réinstallée !

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En 2011, elle l’avait repris une première fois des mains de l’un des siens, coupable d’avoir voulu le transmettre à son fils (civil) ; puis, en 2013, une seconde fois, aux islamistes, qui s’étaient révélés incapables de l’exercer à sa place, avec le consentement populaire.

Elle s’apprête à déléguer l’un des siens, le général Abdel Fattah al-Sissi, pour l’exercer en son nom et pour elle. En 2014, l’armée égyptienne reprendra donc sa place au centre du pouvoir politique et économique. Elle associera à sa fortune les Égyptiens qui accepteront sa prééminence.

Question : dirigée de nouveau par l’armée et alors que le général Sissi jouit d’une popularité comparable à celle de Nasser, cette Égypte sera-t-elle aussi inféodée aux États-Unis et à Israël qu’elle l’était sous Moubarak ? J’en doute fort, mais c’est l’une des nombreuses interrogations de 2014.

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3) Les trois puissances régionales du Moyen-Orient, la Turquie, l’Iran et Israël, ne sont pas arabes.

Ce dernier pays s’étant éloigné de la Turquie pour se lier aux Arabes sunnites opposés comme lui à l’Iran, on voit se dessiner, pour contrebalancer cette "étrange alliance", un rapprochement entre l’Iran et la Turquie.

Leurs échanges commerciaux, qui étaient très faibles, ont dépassé les 20 milliards de dollars en 2013, et l’on prévoit qu’ils se développeront considérablement en 2014.

Mais, en Syrie, l’Iran soutient Assad et son régime, tandis que la Turquie le combat et aide ses adversaires.

Pourront-ils surmonter cette contradiction ? La Turquie sera-t-elle le parrain de l’Iran pour sa sortie de "l’axe du mal" ?

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4) Israël/Palestine. Si vous voulez savoir ce que pense le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, écoutez ce que dit son alter ego, Avigdor Lieberman : lui ne cache presque rien.

Indéracinable ministre des Affaires étrangères, ce dernier répète que Mahmoud Abbas n’est pas "un partenaire d’Israël pour la paix et que le président de l’Autorité palestinienne ne représente rien, n’engage personne et ne peut pas gagner une élection".

"Entre Israël et les Palestiniens n’est possible aucun règlement politique dans un avenir prévisible", ajoute Lieberman. "Les tentatives passées ont échoué comme échoueront celles en cours ou à venir car elles sont détachées de la réalité.

Il faut s’occuper de l’économie et ne penser à un règlement politique avec les Palestiniens que lorsque ces derniers auront atteint un revenu annuel par habitant de 10 000 dollars. Pas un jour avant."

Le temps et la démographie jouent contre cette thèse et contre tous les Israéliens, dont la doctrine non avouée est : "Négocier toujours, ne conclure jamais".

La solution des deux États, l’un israélien et l’autre palestinien, côte à côte, a été rendue impossible par l’incessante et rampante colonisation israélienne de la Cisjordanie.

Un État israélo-palestinien ? Palestiniens et Arabes d’Israël dépassent déjà en nombre les Juifs israéliens, rendant ainsi inacceptable pour les Juifs la solution d’un seul État.

Alors, quelle issue pour le problème israélo-palestinien et quelle place pour Israël dans la région ?

Personne n’est plus capable d’apporter une réponse crédible à ces questions.

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