Exclusif : les uns contre les autres !
Rien n’est plus énervant que de tomber sur quelqu’un qui se dit "spécialiste" du Maghreb mais qui n’y connaît pas grand-chose, ou qui souffre de très sérieux préjugés. Ne parlons même pas de ces faux reporters qui passent quarante-huit heures à Casablanca, Alger ou Tunis, ne quittent pas le bar de l’hôtel et reviennent avec un reportage dicté par le chauffeur de taxi, sur la route de l’aéroport. Même parmi les universitaires, dont on pourrait attendre plus de sérieux, la caricature et les idées préconçues font des ravages.
La semaine dernière, j’étais à un congrès, à Berlin, où l’on était censé parler du Maroc. Je me suis retrouvé à côté d’une universitaire, soi-disant spécialiste de ce pays, qui le décrit depuis des années – des années ! – avec des termes qui évoquent une guerre civile opposant des bons et des méchants. Elle ne cesse de courir les conférences pour, à chaque fois, présenter une communication péremptoire sur le thème : "Maroc : X contre Y". Par exemple, "Maroc : les villes contre les campagnes", "Maroc : Arabes contre Berbères", "Maroc : autochtones contre immigrants", etc. Et quand elle pond un article dans une revue universitaire, c’est un peu plus sophistiqué, certes, pour que le comité de lecture l’accepte, mais c’est toujours le même regard, par exemple : "Maroc, dialectique de l’insatisfaction des jeunes et de l’immobilisme des partis".
Puisque nous étions assis côte à côte, je lui ai fait la remarque qu’une approche systématique en termes de conflit ou d’opposition n’est pas plus scientifique que l’approche inverse, c’est-à-dire : "Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil", "On s’adore et on est une grande famille", qui est celle de la presse officielle. La collègue a pris la mouche et m’a rétorqué qu’elle avait bien le droit d’avoir sa propre méthodologie (un mot un peu ronflant et plutôt vague…). Mais bon, elle a raison, chacun est libre d’avoir sa méthode, c’est comme cela que la science avance. Je lui ai concédé le point et, même, lui ai-je dit, "je vais désormais adopter ton approche si fructueuse – puisqu’elle te permet de produire les articles à la chaîne".
"Ah bon ?" a-t-elle répondu, un peu méfiante.
Le lendemain, je lui ai envoyé une liste d’articles que je souhaitais écrire et pour lesquels je sollicitais sa précieuse collaboration. À un détail près : il ne s’agirait pas du Maroc, qu’elle a si bien analysé qu’il ne reste plus rien à en dire, mais de la Belgique, contrée inexplorée et mal connue. Et voici la liste en question : "Belgique : les maris contre les belles-mères", "Belgique : les chiens contre les chats", "Belgique : végétariens contre carnivores", "Belgique : Anderlecht contre FC Bruges (3-0)".
C’est curieux, elle n’a pas réagi.
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