Tabagisme : l’Afrique enfumée
Écrit avec la collaboration du Pr Daniel Thomas, cardiologue, porte-parole de la Société française de tabacologie.
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Edmond Bertrand
Doyen honoraire de la faculté de médecine d’Abidjan, membre correspondant de l’Académie française de médecine
Publié le 3 janvier 2014 Lecture : 2 minutes.
Comme une araignée tisse sa toile mortelle, l’industrie du tabac étend son emprise sur l’Afrique. Avec son milliard d’habitants, ce continent est, pour les cigarettiers, une zone d’avenir, d’autant que la législation antitabac y est souvent absente – ou peu respectée – et que les gouvernements, hormis en Afrique du Sud, se montrent parfois laxistes avec ces riches industriels.
Les cigarettiers avancent masqués derrière le soutien ambigu à des manifestations culturelles ou sportives où leur promotion est assurée (affichage, parasols, briquets et même distribution de cigarettes), derrière des écrans médiatiques suggérant la réussite sociale du fumeur. Cette publicité s’adresse surtout aux jeunes et maintenant aux femmes (symbole de liberté !). Elle s’appuie sur la vente en Afrique de cigarettes plus riches en nicotine qu’elles ne le sont en Europe ! Les industriels cachent que le tabagisme est source de pauvreté pour les fumeurs ("plus on est pauvre, plus on fume et plus on fume plus on est pauvre"). Source de pauvreté aussi pour les États en raison des dépenses de soins et de la perte de productivité liée aux maladies du tabac (insuffisance respiratoire, infarctus du myocarde, cancers), qui coûtent plus d’argent que n’en rapportent les taxes. Malgré le travail courageux des associations africaines antitabac, la Convention-cadre de l’OMS est loin d’être appliquée : treize États africains ne l’ont pas signée ou ratifiée.
>> Lire aussi : la cigarette ne connaît pas la crise
Le véritable espoir de sauver l’Afrique de l’emprise tabagique est de faire confiance à la femme et à l’homme africains en leur disant clairement que la première cigarette peut conduire à l’addiction et que 50 % des fumeurs ont une mort plus ou moins liée au tabac.
Bonne nouvelle cependant pour ceux qui ont fumé : l’arrêt du tabagisme est de plus en plus souvent obtenu. D’abord grâce à la volonté d’en finir. Mais aussi grâce à un soutien médical efficace : substances nicotiniques (sans goudron), cigarette électronique, bupropion. Autre bonne nouvelle : l’ex-fumeur qui respecte une hygiène de vie correcte retrouve du "souffle" en trois semaines (escalier, sport). Après trois mois, son risque d’infarctus est très réduit et, après trois ans, c’est le risque de cancer qui régresse. Moins longue aura été l’intoxication, meilleurs seront les résultats.
Et l’ex-fumeur a une haleine enfin purifiée : "Kiss a non-smoker and enjoy the difference" ("Embrassez un non-fumeur et appréciez la différence").
>> Lire aussi : l’Afrique malade du tabac
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