Football algérien : entre Sebgag et Amara, le torchon brûle

Les relations entre Abderrezak Sebgag et Charaf-Eddine Amara, respectivement ministre des Sports et président de la Fédération algérienne de football, sont de plus en plus tendues. À tel point que le premier évite de croiser le second…

Charaf Eddine Amara, président de la Fédération algérienne de football, lors du mach de qualification à la Coupe du monde 2022, opposant l’Algérie au Cameroun, au stade de Blida, le 29 mars 2022. © APP/NurPhoto via AFP.

Alexis Billebault

Publié le 30 mai 2022 Lecture : 4 minutes.

Qui a dit que le football algérien baignait dans la sérénité ? Après une Coupe d’Afrique des nations (CAN) au Cameroun marquée par une élimination au premier tour, puis un échec face aux Lions indomptables camerounais lors du barrage de qualification à la Coupe du monde au Qatar (1-0, 1-2), auquel se sont ajoutées les déclarations enflammées du sélectionneur algérien, Djamel Belmadi, sur l’arbitre gambien Bakary Gassama, les tensions se font ressentir loin des terrains. Et c’est Abderrezak Sebgag et Charaf-Eddine Amara qui occupent les rôles principaux.

Le dernier épisode de la lutte à laquelle se livrent ces deux personnalités influentes n’est pas passé inaperçu. En bons acteurs, le ministre des Sports et le président de la Fédération algérienne de football, qui est également le PDG du holding Madar, ont pris soin de choisir leur scène. Le lieu ? Le mythique stade du 5-Juillet à Alger, fraîchement rénové dans le cadre du Championnat d’Afrique des nations (Chan) que l’Algérie organisera en janvier 2023. Le prétexte ? Un match international amical entre les sélections des moins de 23 ans de l’Algérie et de la Palestine. Une affiche pas tout à fait comme les autres, car l’État algérien compte parmi ceux qui soutiennent le plus la cause palestinienne.

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En tant que ministre des Sports, Sebgag avait bloqué son agenda dominical pour aller assister au match en compagnie de plusieurs milliers de ses compatriotes. Mais après être sorti de sa voiture de fonction et avoir effectué quelques pas, Sebgag a été informé que Charaf-Eddine Amara, en tant que président de la FAF, se trouvait également au stade. Une présence jugée inacceptable par le membre du gouvernement, lequel a tourné les talons séance tenante pour quitter les lieux et rentrer chez lui. « Sebgag, mais également la majeure partie de son ministère, estiment qu’Amara n’avait rien à faire au stade, car aucun d’eux ne considèrent encore celui-ci comme président de la fédération », résume un journaliste suivant de près la détérioration des relations entre les deux hommes. Après avoir salué les joueurs des deux équipes, Amara a, quant à lui, assisté depuis la tribune d’honneur au match remporté par les Algériens (3-1).

Rétropédalage

L’attitude du ministre aurait été mal vécue au plus haut sommet de l’État, en raison du contexte particulier dans laquelle la scène s’est déroulée. Sebgag, lui, ne comprendrait pas pourquoi Amara est toujours aux responsabilités au sein de la Fédération algérienne. Et il n’est pas le seul. Deux jours après l’élimination de l’Algérie par le Cameroun à Blida, le dirigeant avait annoncé le 31 mars sa démission, ainsi que celle du bureau fédéral de la FAF, expliquant alors que la transition serait assurée par Mohamed Maouche, 86 ans, chargé de convoquer la prochaine assemblée générale élective dans les soixante jours. Mais le 3 avril, lors de la réunion du bureau fédéral pour la passation de pouvoir, Amara s’était aperçu que tous les membres de celui-ci n’avaient pas l’intention de démissionner. Et, à l’issue d’une mémorable séance de rétropédalage, l’ancien président du CR Bélouizdad s’était ravisé, estimant que sa démission ne pouvait être actée que par l’assemblée générale qui l’avait élu un an plus tôt.

Or, selon les statuts de l’instance, chacun de ses membres peut démissionner quand il le souhaite, sans être obligé de passer devant l’AG élective. « Un simple courrier recommandé adressé au secrétaire général est suffisant. Le démissionnaire doit aussi être à jour de ses cotisations. Si ces conditions sont réunies, il peut partir, explique un proche de la fédération. Mais Amara n’a effectué aucune de ces démarches et se considère encore comme le président de la FAF. Pourtant, le bureau fédéral n’est plus en état d’exister légalement, puisque 8 de ses 13 membres ont démissionné, et qu’il en faut au moins 7. » Dans ce contexte, impossible donc pour le bureau fédéral de convoquer d’assemblée générale ordinaire, extraordinaire ou même élective. « Nous sommes dans une véritable impasse, et c’est cela qui irrite le ministre des Sports, lequel, dans un premier temps, s’était montré très peu disert sur les affaires qui secouent la fédération. »

Fatalisme

En d’autres termes, Abderrezak Sebgag – et sans doute avec lui l’ensemble du gouvernement – rêve chaque nuit qu’Amara vide les tiroirs de son bureau du quartier Dely Brahim à Alger, et que la FAF se dote le plus vite possible d’un nouveau patron. Mais le ministre ne peut pas le dire trop fort, puisque cela serait considéré par la Fifa comme une ingérence caractérisée du pouvoir politique dans les affaires du football. Et le gouvernement du football mondial déteste ce type d’immixtion : le Kenya et le Zimbabwe viennent de l’apprendre à leurs dépens, en se faisant exclure des qualifications pour la CAN 2023, qui devaient débuter au début du mois de juin, après que la Fifa a suspendu leur fédération.

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En Algérie, l’on s’amuse ou l’on se désole, au choix, de voir les deux hommes bander leurs muscles. Avec une certaine forme de fatalisme, un ancien dirigeant de club résume ainsi la situation, également sous couvert d’anonymat, le sujet étant considéré comme sensible… « Amara n’a pas fait grand-chose pour le football local. Ce n’est pas un homme du sérail, il a été élu parce que le pouvoir politique le voulait. Et la plupart des membres du bureau fédéral qu’Amara n’a pas choisis sont davantage préoccupés par leurs propres intérêts. Quant à Sebgag, les Algériens n’en ont pas une grande estime. » Au moins, sur ce point, il y a match nul…

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