Gabon : Pointe Denis, le petit paradis de Libreville
À dix minutes de Libreville, sable blanc, forêt vierge et eaux cristallines vous attendent. Escapade à la Pointe Denis.
Libreville dans tous ses états
La précédente tentative d’évasion dominicale avait tourné à la débâcle, noyée sous les pluies diluviennes de la saison humide. Mais ce matin-là, un soleil d’or pur resplendit dans le ciel translucide.
Torse nu et claquettes aux pieds, les employés de la marina Barracuda mettent à l’eau les embarcations – bateaux de plaisance flambant neufs, bolides surmotorisés ou simples pirogues. Le grondement des moteurs, les effluves de mazout et le clapot de l’estuaire n’améliorent pas l’état des fêtards qui ont passé la nuit à dériver dans les remous des bars de Louis, un quartier de la ville.
Mais bientôt, tel un gang surgi d’un Mad Max aquatique, l’armada de hors-bord et de jet-skis fend l’estuaire vers la langue de terre qui se dessine à l’horizon : la Pointe Denis, refuge balnéaire de la bourgeoisie librevilloise en week-end. On frôle quelques tankers à l’ancre, les cimes des cocotiers apparaissent et, derrière, les buildings de la capitale deviennent des miniatures.
Dix minutes après s’être arrachée de la rive droite, la flottille accoste la plage de sable blanc bordée de palétuviers, de ficus et de palmiers. Le 9 février 1839, le lieutenant de vaisseau Louis-Édouard Bouët-Willaumez y signait avec le monarque mpongwé Denis Rapontchombo le traité qui marque le début de la pénétration française au Gabon. Depuis, le roi Denis a légué son nom au cap sur lequel il régnait.
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À présent, point de palais à la Pointe, si ce n’est l’immense villa de feu le président Omar Bongo Ondimba. Entre les arbres, quelques discrets bungalows de bois sont le refuge des familles de Libreville qui viennent y oublier, une journée ou deux, les tracas de la cité. On y fait griller des langoustes au feu de bois, on y joue aux cartes jusqu’à la prochaine course de jet-skis dans la rivière qui serpente non loin. Et bientôt, un parcours de golf offrira ses pelouses équatoriales aux adeptes du plus britannique des sports.
Une navette chargée de familles approche du rivage. Un simple drap de bain sur l’épaule ou les bras encombrés de glacières, de cannes à pêche et de fauteuils pliants, les croisiéristes du dimanche débarquent en bandes joyeuses. Les uns s’installent sous un parasol, à deux pas d’une mer cristalline et délicieusement tiède. Les autres s’assoient pour un apéritif prolongé aux tables de l’Assala Lodge, un hôtel "les pieds dans l’eau" composé de quelques cases dispersées autour d’une grande paillote. Gabonais, Libanais, Français, Chinois : tout un microcosme s’y gave de grillades ou de carpaccios de poisson. Des gamins jouent au baby-foot ou commencent une bataille autour d’un vieux tronc échoué. À l’horizon, Libreville, minuscule.
La ponte des tortues luth, à deux brasses de Libreville
Soudain, une pétarade brise la sérénité des lieux. Une escouade de quads maculés de boue débarque sur la plage, de retour de la forêt vierge qui s’étend à perte de vue au-delà de la rivière. Un adolescent qui s’apprêtait à lancer son épervier sur un banc de poissons frétillant à quelques mètres du sable leur jette un regard furieux et retient son geste, désormais inutile. Derrière lui, une bande de beaux gosses aux muscles saillants tente de rabattre des groupes de coquettes qui font les cent pas sur la plage en pouffant. Pour beaucoup, le retour de la navette donne le signal du départ. Les parasols se ferment et les tables se vident. Jet-skis et hors-bord repartent vers la capitale dans des gerbes d’écume.
Mais certains ne bougent pas, paisiblement allongés sur leur serviette. Ils ont choisi de passer la nuit sur ce bout de terre sauvage. Peut-être iront-ils dormir de l’autre côté du cap, face à l’océan, dans le luxueux hôtel La Baie des tortues. Cette nuit, ils pourront observer la ponte des tortues luth, énormes reptiles marins qui reviennent chaque année enfouir leurs oeufs dans le sable, à deux brasses de Libreville, mais à des années-lumière du tumulte urbain.
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