Ligue des champions africaine : un géant nommé Wydad

Le Wydad Casablanca va tenter devant son public de remporter sa troisième Ligue des Champions africaine. Face aux puissants Égyptiens d’Al Ahly, double tenants du titre, le club marocain pourra compter sur des millions de supporters partout dans le royaume, et même au-delà.

Des supporters du Wydad Casablanca, lors de la demi-finale de la Ligue des champions africaine contre l’USM Alger, le 21 octobre 2017, au stade Mohamed-V à Casablanca. © FADEL SENNA/AFP

Alexis Billebault

Publié le 30 mai 2022 Lecture : 4 minutes.

Avec ses dix Ligue des Champions, ses quarante-deux titres de champion d’Égypte, ses dizaines de millions de supporters et sa puissance financière (son budget pour la saison 2021-2022 atteint les 128 millions d’euros), Al Ahly fait figure de mastodonte du football africain, n’ayant rien à envier à nombre de clubs européens. Les Cairotes sont logiquement considérés comme les favoris de cette finale de C1, dont ils ont remporté les deux dernières éditions.

Mais face à eux, les Red Devils vont trouver le Wydad Athletic Club Casablanca, qui n’est pas le premier venu. Avec ses deux Ligues des Champions (1992 et 2017), ses vingt-et-un titres nationaux et ses neuf Coupes du Trône, le club de la capitale économique marocaine, présente un palmarès plutôt ronflant, rien moins que le plus fourni du pays. Sur le plan économique, le WAC ne peut en revanche guère rivaliser avec son adversaire égyptien, puisque son budget annuel est d’environ 16 millions d’euros, soit l’équivalent de celui d’un bon club de Ligue 2 française.

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Meilleur public du monde vs plus grand club d’Afrique

Quand Al Ahly est capable de verser des salaires annuels (hors primes) allant jusqu’à 900 000 euros pour certains de ses meilleurs joueurs, dans un pays où le salaire mensuel moyen est de 220 euros, son homologue marocain peut offrir au maximum 400 000 euros à certains de ses joueurs. Et son entraîneur, Walid Regragui, gagne entre 30 000 et 40 000 euros par mois, quand Pitso Mosomane, son homologue sud-africain, atteint 155 000 euros.

Si le Wydad ne boxe pas tout à fait dans la même catégorie qu’Al Ahly sur le plan économique, il suscite un engouement très important à Casablanca, au Maroc et même au-delà des frontières. Il est, avec le Raja, l’autre club de la ville, un véritable monument national. Ses supporters sont régulièrement cités parmi les plus chauds de la planète football, capables d’organiser au stade Mohammed-V de véritables spectacles. Son groupe de supporters, Ultras Winners 2005, a même été élu en 2015 et 2019 meilleur public du monde par le collectif Ultras World.

Raja aime cultiver l’image d’un club populaire, alors que Wydad est plus associé à la bourgeoisie

Une réputation qui n’est pas usurpée pour Hassan Benabicha (58 ans), ancien joueur mythique qui a a effectué toute sa carrière (1985-1997) au WAC. « Pour résumer, la moitié de la ville supporte le Wydad, l’autre le Raja. Et au Maroc, il y a des millions de gens qui se disent supporters d’un club ou de l’autre, mais je suis incapable de vous dire qui, du Wydad ou du Raja, est le plus populaire. C’est un public fidèle : il y a toujours beaucoup de monde dans les gradins du stade. Les Casablancais se déplacent en nombre quand le Wydad joue à l’extérieur. C’est aussi un public influent, car il met une pression constante sur les dirigeants, les joueurs et l’équipe. »

Raja-Wydad, histoire d’une lutte casablancaise

Tout laisse supposer que les supporters rajaouis soutiendront massivement Al-Ahly, mais, pour le consultant sportif Issam Benjelloun, Casablancais de naissance et supporter du Wydad, ce ralliement ne devrait concerner qu’une minorité. « Les Marocains sont heureux quand un club du pays gagne une compétition africaine. À la marge, vous trouverez toujours des fans du Raja dire qu’ils souhaitent la victoire d’Al Ahly. Mais il est cependant exact que les deux clubs ont tendance à être catalogués. Ainsi, le Raja aime cultiver l’image d’un club populaire, alors que son rival est davantage associé à la bourgeoisie. » Depuis la création du WAC en 1939, le roi du Maroc en est traditionnellement le président d’honneur.

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« De nombreux supporters wydadis appartiennent aux classes populaires. Le club est également corrélé à l’indépendance du Maroc », poursuit Issam Benjelloun. « Le Raja est davantage soutenu dans les classes populaires et est plutôt classé à gauche, alors que le Wydad est plus perçu comme le club de la classe aisée, un peu le club des riches, même si, bien sûr, il est également soutenu parmi les catégories sociales les plus modestes », intervient, sous couvert de l’anonymat, un ancien dirigeant d’un club professionnel.

Saïd Naciri, un président sous pression

L’influence des supporters du Wydad a déjà été fatale à certains entraîneurs, coupables à leurs yeux de ne pas avoir obtenu des résultats à la hauteur du standing du club. Walid Regragui, nommé en août 2021, recueille une large adhésion des fans grâce aux résultats obtenus, au jeu proposé, et à une forte personnalité qui lui permet de cohabiter avec Saïd Naciri, l’actuel patron du WAC.

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« Naciri a un management assez solitaire, c’est une gestion un peu patriarcale qui en irrite plus d’un. Des supporters disent de lui qu’il est paranoïaque, mal entouré, mal conseillé. Mais ils savent aussi qu’il a toujours été capable de trouver l’argent nécessaire quand le club était en difficulté. Parfois, vous n’entendez plus parler de lui pendant deux ou trois semaines, et il revient avec quelques centaines de milliers d’euros. Mais Naciri, lui aussi, est constamment sous pression », reprend Benjelloun.

La direction du club wydadi n’ignore pas que les recettes de billetterie représentent une part non négligeable de ses ressources. « Un stade presque toujours plein, cela rapporte », conclut Benjelloun. « Les supporters, il faut aussi savoir les écouter quand ils ne sont pas contents… »

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