Union sacrée pour sauver la mer Morte

Israéliens, Palestiniens et Jordaniens s’associent pour enrayer l’assèchement du lac salé. Un projet pharaonique qui sert des intérêts communs.

De g. à dr. Silvan Shalom (Israël), Hazem Nasser (Jordanie) et Shaddad Attili (Palestine). © Nicholas Kamm/AFP

De g. à dr. Silvan Shalom (Israël), Hazem Nasser (Jordanie) et Shaddad Attili (Palestine). © Nicholas Kamm/AFP

perez

Publié le 2 janvier 2014 Lecture : 3 minutes.

Ils se retiennent humblement de sourire de satisfaction lorsque les flashs se mettent à crépiter. L’instant est solennel et met en scène, côte à côte, trois ministres : israélien, palestinien et jordanien. Le 9 décembre, dans l’un des auditoriums de la Banque mondiale, à Washington, chacun des protagonistes saisit parfaitement la portée du document qui vient d’être paraphé après huit années d’âpres négociations. "Lorsque des dirigeants ont réellement la volonté de parvenir à un accord, celui-ci peut être atteint, résume Silvan Shalom, ministre israélien de la Coopération régionale. Espérons que cet accord soit une lueur d’espoir pour de futurs accords scellant une paix globale dans la région."

Sauver la mer morte d’une disparition programmée

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Vu l’impasse dans laquelle se trouvent les pourparlers israélo-palestiniens, l’optimisme reste sciemment mesuré. Tôt ou tard, l’Histoire dira si un plan titanesque destiné à sauver la mer Morte d’une disparition programmée aura jeté les bases d’une réconciliation au Proche-Orient ou, pour les plus utopistes, d’une pax economica. Dans l’immédiat, le protocole conclu entre Israël, la Jordanie et l’Autorité palestinienne s’apparente à un grand pas en avant dans la gestion des ressources hydriques régionales.

Site touristique de premier plan maintes fois cité dans la Bible, merveille de la nature enfouie à 420 mètres sous le niveau de la mer, le lac salé aurait perdu un tiers de sa masse d’eau depuis les années 1960. Ce lac de sel – 345 grammes par litre -, victime des vagues de chaleur successives, ne cesse de s’évaporer. Par ailleurs, sa seule source d’alimentation, le Jourdain, est constamment détournée par Israël, la Jordanie et même la Syrie à des fins agricoles. Signe inquiétant : une bande de terre sectionne désormais la mer Morte en deux. Sans intervention rapide, elle sera totalement asséchée en 2050.

La solution imaginée consiste à pomper de l’eau dans la mer Rouge à la hauteur du port jordanien d’Aqaba et à la déverser grâce à un pipeline de 180 km, en grande partie souterrain pour s’affranchir des vents de sable. Utilisant la dénivellation, ce système de perfusion à grande échelle permettrait, selon les experts, de stabiliser le niveau de la mer Morte. Les quatre conduits achemineraient ainsi deux tiers des 200 millions de mètres cubes d’eau par an pompés par la station d’Aqaba. Selon les termes de l’accord, les quantités d’eau restantes doivent servir à une usine de dessalement jordanienne.

Des conséquences dues au mélange entre les eaux de deux mers

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Enfin, ultime volet de l’accord tripartite, Israël s’engage à fournir à l’Autorité palestinienne 30 millions de mètres cubes supplémentaires d’eau par an. Les responsables de l’État hébreu ont toutefois pris soin d’éluder les revendications territoriales palestiniennes sur la mer Morte, dont une partie se trouve en Cisjordanie. L’eau revendue proviendra du lac de Tibériade, traversé par le Jourdain et situé à une centaine de kilomètres au nord de la mer Morte, le long du royaume hachémite.

Bien que sophistiqué, le "canal de la paix" soulève des interrogations, à commencer par les conséquences environnementales incertaines dues au mélange entre les eaux des deux mers. La différence de salinité et de composition chimique ouvre la porte à divers scénarios : la mer Morte pourrait changer de consistance, d’aspect et même de couleur. Le canal se trouvant dans une région sismique, les nappes phréatiques courraient un risque de pollution en cas de rupture ou d’attentat. En attendant la mise en place d’un mécanisme de surveillance, Israéliens, Palestiniens et Jordaniens doivent s’acquitter d’une facture de 400 millions de dollars pour le seul pipeline. Nul doute qu’ils seront amenés à solliciter la générosité de pays donateurs, de philanthropes et surtout de leur parrain : la Banque mondiale.

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