Mauritanie : Ould Mansour en embuscade
Fort des résultats de son parti aux élections législatives, le leader islamiste Ould Mansour entend incarner l’alternance et obtenir par les urnes le départ du président Ould Abdelaziz.
"Quand on reste à la maison le jour des élections, on ne peut rien espérer changer." D’une phrase, le président du Rassemblement national pour la réforme et le développement (RNRD), Mohamed Jemil Ould Mansour, justifie son rejet de la politique de la chaise vide adoptée par ses alliés au sein de la Coordination de l’opposition démocratique (COD). Sur onze partis, seul Tawassoul ("liaison", le surnom du RNRD) est parti au combat lors des élections législatives et municipales du 23 novembre, récoltant au premier tour 12 sièges sur les 147 à pourvoir. "La population ne comprend pas forcément le mot d’ordre du boycott, estime l’intéressé. Elle a besoin d’une alternative au parti au pouvoir."
Et l’alternative était cette fois incarnée par le parti dirigé par Ould Mansour, qui présente le visage hybride d’une opposition radicale s’appuyant sur un "référentiel islamique". Loin de prôner une islamisation à outrance, cet homme affable de 46 ans se veut réformiste, se dit attaché à la justice sociale et dénonce la "dictature dissimulée derrière une vitrine démocratique" du président Mohamed Ould Abdelaziz. Au moment du Printemps arabe, il a voulu croire que la contestation populaire s’étendrait par contagion et contraindrait le chef de l’État à passer la main. "Nous avons considéré que le temps n’était pas encore venu", conclut-il. C’est pourquoi son parti a opté pour le pragmatisme et la voie des urnes. Cette opportunité, Ould Mansour en avait longtemps été privé. Sous le régime de Maaouiya Ould Taya, cet ancien étudiant à l’Institut supérieur d’études et de recherches islamiques de Nouakchott puis à la faculté de Fès a payé son activisme de plusieurs incarcérations – et d’un exil d’un an en Belgique -, face à un régime qui refusait d’autoriser un parti d’obédience islamiste. Ce n’est qu’en 2007 que Tawassoul a accédé à une reconnaissance officielle.
"Ould Mansour dirige la vitrine politique d’un mouvement de société beaucoup plus vaste", commente un compagnon de route de la mouvance islamiste mauritanienne, rappelant que cette galaxie agrège associations, oeuvres caritatives, mosquées, centres de soins, journaux en ligne et même une chaîne de télévision. Du côté du pouvoir, le financement de Tawassoul – qui proviendrait en partie d’organisations des pays du Golfe – et ses affinités avec divers homologues sont régulièrement invoqués pour jeter la suspicion sur ce concurrent. En 2012, le président Ould Abdelaziz avait fustigé "les porteurs de barbe qui mentent". Et, début décembre, un cadre de l’Union pour la République (UPR, au pouvoir) est allé jusqu’à accuser Tawassoul de "collaborer avec des réseaux implantés hors du pays, spécialisés dans le blanchiment d’argent et le trafic d’influence".
Relativiser l’influence supposée des Frères musulmans
Tout en entretenant de bonnes relations avec les Turcs de l’AKP, les Tunisiens d’Ennahdha ou les Égyptiens du Parti de la liberté et de la justice (PLJ), Ould Mansour revendique une stricte indépendance. "Il nous arrive de formuler des critiques vis-à-vis des Frères musulmans", affirme-t-il, comme pour relativiser l’influence supposée de la matrice idéologique d’où est issu son parti. "Il incarne une tendance moderniste et ouverte, mais il y a aussi une tendance plus orthodoxe qui garde de l’influence au sein de Tawassoul", ajoute son compagnon de route. En entrant en politique, Mohamed Jemil Ould Mansour avait dû interrompre prématurément sa thèse de doctorat, qui aurait pourtant fourni une indication précieuse sur sa conception de l’islam politique. Son titre : "Islam et démocratie : quelle relation ?"
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