Une étrange alliance

ProfilAuteur_BBY
  • Béchir Ben Yahmed

    Béchir Ben Yahmed a fondé Jeune Afrique le 17 octobre 1960 à Tunis. Il fut président-directeur général du groupe Jeune Afrique jusqu’à son décès, le 3 mai 2021.

Publié le 30 décembre 2013 Lecture : 5 minutes.

L’année 2014 ? Elle arrive à grands pas. Son premier mois ne commencera que dans quelques jours. Mais, déjà, dans le monde entier, on ne pense qu’à ce qu’elle promet (ou menace) de nous apporter.

Alors parlons-en. Ou, du moins, évoquons quelques-unes des grandes affaires dont elle est porteuse et qui vont retentir sur notre vie quotidienne.

la suite après cette publicité

*

1) Le continent africain.

En 2013 s’est établi un consensus mondial selon lequel l’Afrique et son milliard d’habitants entreraient à partir de 2014 dans la sphère du développement.

Son tour est en effet arrivé : avec retard et de criantes inégalités, en dépit d’une mauvaise gouvernance persistante et de plusieurs poches d’instabilité, le continent africain va enfin décoller. Il a entrepris de se doter des infrastructures qui lui faisaient défaut jusqu’ici, de compléter les ressources de son sous-sol et de son agriculture par l’apport de pôles industriels, déjà actifs ou en voie de constitution.

la suite après cette publicité

>> Lire aussi : Top 10 des prévisions de croissance des pays africains

Sa croissance démographique va porter sa population à 2 milliards d’habitants d’ici à 2050. Mais l’on prévoit que son PIB, lui, sera multiplié par dix : il passera de 2 000 milliards de dollars en 2005 à près de 20 000 milliards en 2050. Il rattraperait ainsi le PIB de l’actuelle Union européenne (voir graphique).

la suite après cette publicité

*

2) L’Afrique du Sud est encore la première économie du continent, mais elle est talonnée par le Nigeria, qui, il est vrai, est trois fois plus peuplé.

Ayant enterré Nelson Mandela à la fin de 2013, elle aborde sa première année sans l’homme qui en a fait, malgré elle et malgré les augures, une authentique démocratie et cette fameuse "nation Arc-en-Ciel".

Où va-t-elle ?

Compagnon de captivité de Mandela pendant vingt-six ans, Ahmed Kathrada, 84 ans, fils d’immigrés indiens, s’est signalé par son émouvante oraison funèbre de son mentor.

Et par un pronostic mesuré que je vous livre :   Le défi, ce n’est plus l’apartheid, mais la pauvreté, la faim, le chômage, l’éducation, la santé, le logement. La démocratie sud-africaine n’a que 20 ans, mais je suis confiant car la politique reste la même : construire une Afrique du Sud unie, non raciale et non sexiste.

La politique à laquelle Mandela croyait n’était pas son invention. C’était celle du Congrès national africain (ANC). Cette politique existe toujours et elle est inscrite dans la Constitution du pays.

La réconciliation était la politique de l’ANC que Mandela a mise en oeuvre comme président. Cette politique n’a pas changé et le gouvernement sud-africain lui reste fidèle.

Nous avons des problèmes et nous faisons de notre mieux pour les résoudre."

Est-il trop optimiste ? Espérons que non.

*

3) Le pétrole et son prix.

Se sont trompés jusqu’ici tous ceux qui se sont aventurés à prédire l’évolution à la hausse ou à la baisse du prix du baril de pétrole.

Depuis près d’un siècle, l’or noir est la principale source d’énergie dans le monde. Quelques pays situés pour la plupart au Moyen-Orient assurent l’essentiel du surplus exportable. Ils se sont érigés, avec quelques autres, en cartel, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), maître des quantités exportées.

Le prix du baril s’est alors mis à grimper pour s’installer, choc après choc, en quarante ans, au-dessus de 100 dollars.

Le monde a vécu sous la menace d’un produit rare et de plus en plus cher : on nous annonce périodiquement que le baril pourrait franchir la barre des 200 dollars à la moindre secousse et que l’économie mondiale en serait bouleversée…

Je crois pouvoir annoncer que l’ère du pétrole rare et cher tire à sa fin. C’est là une très bonne nouvelle que les historiens considéreront comme un tournant de l’histoire économique.

>> Lire aussi : Dossier pétrole, pactole en vue en Afrique de l’Est

Il y a en effet de plus en plus de pétrole ; les gisements sont onshore et offshore, et l’on en découvre dans un nombre croissant de pays, notamment africains.

À cet élargissement s’ajoute, depuis cette année 2013, la mise en exploitation dans plusieurs pays, dont les États-Unis, du pétrole et du gaz de schiste. Elle va se développer très vite et donner, dans la décennie, leur indépendance énergétique à bien des pays.

L’année 2013 a vu l’Iran exclu à plus de 50 % du marché pour cause de sanctions ; de son côté, le pétrole libyen n’est presque plus exporté pour cause d’instabilité politique, tandis que la production de l’Irak stagne ou régresse.

S’ils s’étaient conjugués il y a un ou deux ans, ces aléas auraient créé un nouveau choc pétrolier. En 2013, ils sont passés inaperçus et n’ont créé, en tout cas, ni psychose ni hausse du cours.

Pour le pétrole roi, c’est donc le début de la fin, et c’est tant mieux pour le monde entier, à l’exception des quelques centaines de non-méritants qu’il a indûment enrichis et rendus arrogants…

*

4) L’Iran, l’Arabie saoudite, Israël.

Pour terminer cette dernière livraison des "Ce que je crois" de l’an 2013, je ne résiste pas au plaisir d’attirer votre attention sur le caractère insolite des relations qui se sont développées entre les membres de cet improbable trio.

La Turquie mise à part, les trois se considèrent comme les principales puissances de leur région. Elles le sont, mais se disputent la suprématie.

Est révolu le temps où l’Iran et Israël étaient complices et alliés, tandis que l’Arabie saoudite se posait en ennemi juré d’Israël.

Dirigé par des sunnites rétrogrades et sectaires, le royaume saoudien n’a plus, aujourd’hui, qu’un seul ennemi déclaré : l’Iran.

C’est même un triple ennemi : idéologique tout d’abord, puisqu’il est le champion du chiisme musulman et, à ce titre, "hérétique" ; économique et pétrolier ensuite, au sein de l’Opep, où, allié de l’Irak, il menace l’hégémonie de l’Arabie ; politique enfin, par son influence en Syrie et au Liban.

Contrecarrer l’Iran, le sortir du jeu, le remettre dans "l’axe du mal" où l’avait placé George W. Bush est devenu l’idée fixe et obsessionnelle des Saoudiens, leur objectif irrationnel.

Pour l’atteindre, ils n’ont pas hésité à nouer une alliance secrète avec leur ennemi d’hier, Israël, et même avec des éléments de leur autre ennemi, Al-Qaïda.

L’année 2014 sera marquée par cette étrange volte-face géopolitique : Israël et l’Arabie saoudite conjuguant en secret leurs efforts et leurs immenses moyens – militaires et financiers – pour, de concert, empêcher leur allié commun, les États-Unis, de renouer avec l’Iran.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires