La vierge et la catin

Fawzia Zouria

Publié le 20 décembre 2013 Lecture : 2 minutes.

Le 27 novembre dernier, sur les trottoirs de l’Assemblée nationale française, il y avait un de ces chahuts ! C’était le jour où débutait l’examen de la loi visant à sanctionner les clients des prostituées. La gent féminine était en émoi, et la guerre des sexes semblait avoir laissé place à une guerre entre filles.

Passons sur les curieuses comme moi, qui se retrouvent dans ce genre de manifestation par hasard, les indécises, qui ne sont ni pour ni contre, les pointilleuses, qui militent pour l’encadrement du métier, les pragmatiques, qui planchent déjà sur les conséquences de la loi avant même son vote définitif. Venons-en aux abolitionnistes, qui dénoncent les violences de la prostitution, l’atteinte à la dignité humaine, la marchandisation du corps et la servitude. En face, les contre, celles qui défendent le métier, les clients, la liberté des femmes de disposer de leur corps – elles n’ont pas fait Mai 68 pour rien ! Et dont certaines vont jusqu’à faire l’éloge du travail sexuel : "Nous sommes prosexe, proporno, proputes et pour la liberté de porter le voile !" clame une certaine Morgane Merteuil, du Syndicat du travail sexuel (Strass). 

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Oui, vous avez bien lu : et pour la liberté de porter le voile. Cela veut dire qu’il y aurait donc une similitude, un lien de parenté entre les prostituées et les femmes voilées. Personnellement, je ne vois pas le rapport. Je croyais, sans tomber dans l’indignation moralisatrice, que la prostitution et le voile sont, depuis toujours, les symboles de deux réalités opposées : le vice contre la vertu, la catin contre la vierge. L’une au ban de la société, l’autre sur un piédestal. Corps honni d’un côté, sacralisé de l’autre.

Ce que je retiens donc, c’est que pour certaines féministes françaises le voile n’est pas plus symbole d’aliénation que la prostitution. Islamistes, féministes, même combat ? Moi, je dis : "Calmez-vous les copines !" Gare à ce paradoxe typiquement français qui raisonne en termes de "principe" et rend les causes interchangeables. Un militantisme qui pense dans l’absolu, prompt à défendre toutes les libertés, religieuses ou profanes. Aucune nuance ! À la limite, j’aurais compris qu’on plaide autant la cause de la prostituée musulmane que celle de la prostituée de souche. Cela démontrerait au moins qu’il n’y a pas que des prudes parmi les beurettes de France. Ou qu’on demande aux "cocottes" si elles ne préféreraient pas le sort des voilées et le "droit chemin", vanté par les barbus. Ou encore, pour faire de l’humour, que l’on propose de dissimuler les putes sous des niqabs, cela dissuaderait les clients devant la loterie du sexe surprise !

>> Lire aussi : Tunisie, pour une nouvelle approche de la prostitution

Au fait, j’ai oublié de dire que, ce fameux 27 novembre, à deux pas de l’Assemblée nationale, tout près des filles qui hurlaient, il y avait une terrasse bondée de clients sirotant tranquillement leur bière. Comme si les hommes n’y étaient pour rien. Alors que, sans eux, il n’y aurait ni problème de voile ni problème de prostitution.

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