Loïc Dablé, un « bad boy » aux fourneaux
Loïc Dablé, jeune Franco-Ivoirien, entend bien révolutionner la cuisine africaine et ne rechigne pas pour ce faire à touiller la mayonnaise médiatique.
« Taboulé d’attiéké et oeufs de caille pochés », « ignames farcis à la sardine tomatée, huile d’olive au cacao en pipette », « pannacotta d’hibiscus au pain de singe »… Ne demandez pas à Loïc Dablé de marcher sagement dans les pas de ses aînés, son esprit rebelle en souffrirait. Pour lui, la cuisine est fusion et s’habille avant tout d’impertinence. Il mélange, tente, se plante, recommence, transcende, ose… Bref, il crée. Ce qu’il préfère : travailler des produits africains avec des techniques venues d’ailleurs pour obtenir des saveurs inédites. « Je marche au feeling, dit-il. L’inspiration peut me venir à tout moment. »
À 29 ans, ce jeune Franco-Ivoirien est l’un des chefs parisiens qui montent. Chef privé et consultant, il fait partie de cette nouvelle génération de cuisiniers 3.0 qui poste les photos de ses plats sur les réseaux sociaux et est jugée aussi bien sur son image que sur la cuisson de ses petits poissons. Et ça, le jeune homme semble l’avoir bien intégré. Tatouages sur l’intégralité du bras droit, boucle d’oreille, grosses lunettes et look de bad boy rangé… Le potentiel médiatique est au maximum.
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D’ailleurs, les producteurs de l’émission culinaire panafricaine Star Chef, diffusée sur vingt chaînes du continent, ne s’y sont pas trompés et l’ont engagé comme juré. « Loïc a beaucoup de talent et une lecture très moderne de la cuisine africaine, explique Thibault Pierart, directeur associé de Luwak Productions, qui produit l’émission. Et puis il est jeune, il est beau gosse, il a un vrai style. » Depuis la rentrée, le chef est aussi devenu chroniqueur sur la radio Africa n° 1.
Entre deux cours de cuisine « afro-fusion », qu’il donne dans des lieux branchés de la capitale, Loïc Dablé reçoit dans le clinquant bar de l’hôtel W Paris, à deux pas de l’Opéra national. Attablé dans un coin, il semble y avoir ses habitudes. Sols laqués, canapés en cuir, murs capitonnés, miroirs. On est loin, très loin, des quartiers de l’île Saint-Denis, en banlieue parisienne, où il a grandi.
Aîné d’une famille de trois enfants, il a été élevé par sa mère, sa « plus grande fierté ». Son enfance a été « douce », mais elle a rapidement laissé place à une adolescence agitée. Une connerie, puis deux, puis trois… Et ce moment où il faut prendre une décision, devant un juge : « la prison ou la formation ». Ce sera la cuisine, parce que depuis son jeune âge il « aime ça ».
Au bout de trois mois, le turbulent se fait renvoyer pour mauvaise conduite. Direction l’École de Paris des métiers de la table, pour une seconde chance et un début d’apprentissage à L’Auberge Bressane. « Là, je suis tombé sur Tanguy Le Gall, un chef qui avait beaucoup de caractère et m’a tenu, tellement tenu, qu’il m’a donné l’amour du métier. » Les longues journées, le travail en équipe, l’adrénaline du service : Dablé découvre un monde nouveau.
« Je prenais le métro à Saint-Denis, avec mon survêt Lacoste, ma banane, ma casquette, et je passais inaperçu, plaisante-il. Mais lorsque j’en ressortais aux Invalides, on me regardait comme un extraterrestre ! » Il lui a donc fallu renouveler sa garde-robe, et adapter son langage, « histoire de se fondre dans le paysage ». Lentement, il apprend les techniques, les dressages, les vins. Après deux ans, il obtient son CAP et ses patrons le recrutent, en mettant à sa disposition un appartement dans le 16e arrondissement et un scooter. « J’avais 20 ans et j’étais le roi du monde ! » Tête brûlée, il quitte pourtant son confort, va vivre sur un coup de tête à Londres, revient par la petite porte et écume les cuisines de nombreux établissements : le doublement étoilé Apicius, le room-service du palace George V, puis Le Meurice et El Chiringuito, à Ibiza…
Sa première place de chef, il la décroche à La Timbale, avant de prendre les rênes d’Africasa, en 2011, où il se révèle en lançant une carte originale qui lui vaut ses premiers articles de presse. Il a 26 ans. Mais après une brouille avec ses associés, le restaurant ferme. Peu importe : il enchaîne avec Star Chef. Direction le Gabon pour un mois de tournage. Dans la foulée, il est invité à cuisiner sur le plateau du Grand Journal, l’émission phare de la chaîne Canal+.
« Le seul problème de Loïc, c’est cette manie de dire que ce qu’il fait n’est pas exceptionnel », explique Alexis Onestas, patron de l’agence de communication Omax6mum, qui veille depuis peu à ce que le talent de son poulain soit plus connu. Sortie d’un livre de recettes début 2014, publication de petits clips sur fond de rap, lancement d’une ligne de tabliers, les projets se multiplient. Son rêve : ouvrir enfin son restaurant gastronomique. En Côte d’Ivoire, où depuis un an et demi il conseille hôtels et restaurants, ou en banlieue parisienne. Pour le moment, son coeur et sa toque balancent…
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