Désirs congolais

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  • Alain Mabanckou

    Alain Mabanckou est écrivain et professeur de littérature francophone à UCLA (États-Unis). Depuis 2016, il occupe la chaire de création artistique au Collège de France.

Publié le 15 décembre 2013 Lecture : 2 minutes.

Le Congo-Brazzaville est une terre d’écrivains : Sony Labou Tansi, Henri Lopes, Sylvain Bemba, Emmanuel Dongala, etc. Si la sphère littéraire est présente et reconnue, il reste à découvrir les intellectuels qui, dans un pays ayant connu plusieurs turbulences sociopolitiques, réfléchissent aux pistes qui pourraient conduire cette nation vers un apaisement. Le livre de Sébastien Mationgo Mboungou pourrait être un exemple adéquat. L’auteur a déjà publié plusieurs ouvrages de réflexion, dont Les Lumières de l’autonomie en 1996 ou encore Délivrance et Régénération en 1995. Philosophe de formation et fervent militant politique, il déconstruit ici la pratique du pouvoir politique et en appelle à la conciliation et à la réflexion « responsable », comme le souligne d’emblée le titre de son ouvrage, Consensus et fédéralisme au Congo-Brazzaville. Le sous-titre, « Modernisation et partage », plaide pour une « autre politique », celle qui serait débarrassée de « l’ethno-militance » ou de la « privatisation ethnique de l’alternance du politique ».

Le début des années 1990 fut marqué par des « conférences nationales » dans plusieurs États africains, avec la volonté d’aller vers la voie de la démocratie. Pour le Congo-Brazzaville, l’auteur rappelle que ce débat fut désorienté par « les fourvoiements et les dysfonctionnements de l’apprentissage démocratique », sans compter les malentendus culturels, historiques, politiques et « sociétaux ». L’histoire africaine porte en elle le « désir criminel » qui précède le « désir de puissance ». Deux notions originales sont ici décortiquées comme premiers éléments de « reconstruction » : le « kimpumbulisme », qu’il faudrait bannir, et le « mayélisme », attitude à cultiver.

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Le « kimpumbulisme » caractérise la « disposition permanente à détruire pour le plaisir de détruire », l’appétit de vouloir tout posséder et surtout la vanité de se prendre pour le nombril du monde au mépris du reste de la population. Cela a éloigné le peuple de l’esprit collectif, voire de ce que l’auteur qualifie de « lumières congolaises ». En revanche, le « mayélisme » est une conduite plutôt de sagesse. Ici le pouvoir n’est pas « à prendre mais à partager » avec le plus grand nombre dans une sorte de « fédéralisme républicain et convivial ».

La force de cet essai – en dehors de son ton humaniste et de la part d’autocritique intransigeante – réside dans la proposition de plusieurs pistes de réflexion qui dépassent au fond le cadre congolais et pourraient s’appliquer à la plupart des nations africaines. Consensus et fédéralisme au Congo-Brazzaville, de Sébastien Mationgo Mboungou, Paari, 150 pages, 10 euros

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