Cinéma : l’Afrique du Sud se projette
En dépit de la liberté retrouvée dans le pays, le renouveau du septième art sud-africain se fait attendre. Mais des noms prometteurs circulent…
Dans le cadre du Festival d’Automne et de la Saison Afrique du Sud-France, le musée du Jeu de paume (Paris) propose jusqu’à la fin du mois de janvier 2014 "Un regard de cinéma sur l’Afrique du Sud". Ainsi est-il possible, en cette fin d’année 2013, de dresser un portrait du septième art au pays de feu Mandela, avec à l’appui une sélection d’une trentaine de films signée de la très cinéphile Danièle Hibon.
Un regard qui permet de constater qu’il existe une cinématographie ancienne et de qualité portant sur l’Afrique du Sud et ses démons racistes. Comme en témoigne Come Back Africa, récit de la vie infernale d’un paysan zoulou "immigré" à Johannesburg sans permis de résidence, prêt à tout pour subvenir aux besoins de sa famille. Un long-métrage devenu culte qui date de 1958 et a été tourné en cachette, dans la rue ou dans des bars clandestins, par le réalisateur américain antiraciste Lionel Rogosin. Dans la même veine, le Sud-Africain Oliver Schmitz raconte dans Mapantsula (1987) comment un petit truand de Soweto finit par acquérir, en prison, une conscience politique. Ce film, longtemps interdit, fut un véritable précurseur au sein du cinéma sud-africain engagé.
Une époque encore plus lointaine est évoquée avec le film de Zola Maseko primé au Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) et intitulé Drum (2004). Ce titre, c’était aussi celui d’un magazine à la mode dans les années 1950, le premier réalisé par une équipe multiraciale à destination des Noirs. Une véritable arme politico-culturelle du combat antiapartheid qui coûta la vie à son journaliste vedette, Henry Nxumalo, héros de ce long-métrage sans grande originalité mais très percutant.
On pourrait imaginer que la disparition de l’apartheid et l’arrivée de l’ANC à la tête du pays allaient permettre un renouveau du cinéma sud-africain ainsi que l’apparition d’une génération de cinéastes profitant du changement politique pour enfin tourner des oeuvres novatrices. Ce résultat tant espéré, dans un pays où les salles sont encore nombreuses mais ne programment en général que des films hollywoodiens, n’a été que très partiellement – c’est un euphémisme – atteint.
Des cinéastes de talent mais en petit nombre
Zulu love letter (2004) évoque la peur du passé dans une société marquée par l’apartheid. © AFP
Certes, il est possible de citer des cinéastes de talent, mais leur nombre ne s’est guère accru ces dernières années. Côté fiction, le réalisateur noir le plus emblématique est sans doute Ramadan Suleman, qui a évoqué dans Zulu Love Letter, en 2004, les effets pervers de la tentative de catharsis nationale initiée par la Commission Vérité et Réconciliation, après avoir adapté Fools, célèbre nouvelle de Njabulo Ndebele, dès 1997. Oliver Hermanus a pour sa part démontré avec Beauty, l’histoire d’un Afrikaner rigide qui découvre son homosexualité, qu’on peut aussi, désormais, traiter des sujets les plus délicats. En 2011, Sara Blecher évoquait, elle, la découverte de la liberté par de jeunes Noirs grâce à la pratique du surf dans l’atypique Otelo Burning.
Trois générations de femmes sud-africaines
Côté documentaire, les réalisations de François Verster explorent avec talent divers aspects de la vie des habitants du Cap. The Mother’s House brosse notamment le portrait de trois générations de femmes. On signalera aussi le travail de Kholo Matabane, auteur de nombreux documentaires marquants mais aussi d’une fiction passionnante, Story of a Beautiful Country, un faux road movie interrogeant le sentiment de quelques Sud-Africains bien choisis face au passé de leur pays. Si l’on ajoute Jahmil Qubeka, auteur d’un long-métrage (Of Good Report) qui fit événement au dernier festival de Durban, et Oliver Schmitz, toujours actif un quart de siècle après Mapantsula, ici s’achève pour l’essentiel le tour d’horizon des noms qui comptent pour le cinéma d’auteur sud-africain.
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