Krach de cryptomonnaies : l’Afrique s’interroge
Certains États ou citoyens africains se sont-ils trop enthousiasmés pour les actifs numériques virtuels de la blockchain ? L’avenir le dira. En attendant, le krach de certaines monnaies virtuelles inquiète.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 7 juin 2022 Lecture : 2 minutes.
Les nouveautés à dimension spéculative reposent sur des paris individuels d’autant plus productifs qu’ils ne seront pas partagés par tout le monde. Mais quand des États comme la République centrafricaine entendent stabiliser un système économique national en adoptant une cryptomonnaie comme devise officielle, chacun s’interroge sur le jeu (et la chandelle) qu’il est censé valoir. Actifs numériques magiques ou trompe-l’œil déconnecté de la réalité économique d’un pays ? Si chaque cryptomonnaie vit sa propre vie, la panique a des effets contagieux et l’on observe, depuis le 21 avril, un effondrement quasi général du « marché crypto ».
Le secteur financier scrute tout particulièrement le dévissage de l’actif TerraUSD, populaire chez les petits porteurs, pris dans une spirale inflationniste internationale qui pourrait ne pas être simplement conjoncturelle. La valeur du jeton est passée de 88 dollars pièce à 0,01 dollar. En Afrique, certains Nigérians ou Égyptiens, qui n’ont plus que leurs réseaux sociaux pour pleurer, viennent de perdre une grande partie de leurs économies.
« Stablecoin » ou « unstablecoin » ?
Si l’effondrement du TerraUSD interpelle à ce point, c’est qu’il est classé comme étant un « stablecoin », une cryptomonnaie dite « stable » car adossée au dollar américain. Quelle leçon tirer alors de ces déconvenues individuelles, quand un État comme la République centrafricaine entend adopter le bitcoin – la star des cryptomonnaies – comme devise légale en lieu et place du franc CFA ? Le bitcoin, lui, n’est pas labellisé « stablecoin » et il est longtemps apparu comme l’apanage de « boursicoteurs » de la planète finance.
« Stablecoin » ou « unstablecoin » ? Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne, n’a pas eu l’air séduite par la nuance. Le 22 mai, elle a ainsi déclaré que les cryptomonnaies n’avaient « aucune valeur »…
Bulle dégonflée
Ébranlés par ce krach, le bitcoin et ses multiples coreligionnaires tomberont-ils de leur piédestal ? Deux types d’acteurs appellent au calme. D’abord, les financiers pionniers des actifs numériques invitent à observer le phénomène sur le long terme, une bulle dégonflée pouvant toujours regonfler. Mais la sérénité patiente d’un spéculateur assis sur un magot conséquent ne saurait animer des petits épargnants pris à la gorge. Or le succès spéculatif d’un actif repose sur sa réputation.
Les seconds acteurs à se dire confiants sont certains politiciens pour qui le « culte » d’une cryptomonnaie relève souvent davantage de l’idéologie que de la rationalité économique. Si Faustin-Archange Touadéra continue de promettre un « pôle d’influence international » centrafricain en lieu et place d’une économie avant-dernière dans le classement 2020 sur l’Indice de développement humain (IDH), c’est aussi pour faire la nique à une France fournisseuse de CFA et critique à l’égard de son éventuel troisième mandat à la tête de la Centrafrique. Banguissois qui mal y pense…
Chacun voit donc « crypto » à sa porte. Et c’est d’ailleurs cette logique de la localisation qui anime certains acteurs comme l’État nigérian, qui promeut l’eNaira plutôt qu’un actif virtuel sans autorité centrale lancé par un inconnu caché sous le pseudonyme Satoshi Nakamoto. Mais, là encore, et même si l’Afrique a été l’eldorado de certaines dématérialisations comme le e-banking, la virtualisation ne sera jamais un procédé magique…
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