Moyen-Orient : 2013, l’année de la dynamique iranienne

Élection du centriste iranien Hassan Rohani, accord de Genève du 24 novembre, action mesurée de Barack Obama… Thierry de Montbrial, directeur général de l’Ifri et fondateur de la World Policy Conference, décrypte les principales avancées de l’année 2013 au Moyen-Orient.

Les présidents américain et iranien Barack Obama et Hassan Rohani. © AFP/Montage J.A.

Les présidents américain et iranien Barack Obama et Hassan Rohani. © AFP/Montage J.A.

Publié le 19 décembre 2013 Lecture : 3 minutes.

Sur le plan international, le miracle de l’année 2013 aura été l’élection du centriste Hassan Rohani à la présidence de la République islamique d’Iran. Miracle ? Pas tout à fait, car les observateurs avertis auraient dû voir que, pour une opinion publique excédée, les autres candidatures autorisées étaient des repoussoirs. Miracle quand même, car il arrive que les calculs trop sophistiqués échouent. Or, dans un Moyen-Orient de plus en plus chaotique en dehors du bunker israélien, la continuation à Téhéran de la ligne incarnée par Ahmadinejad ne pouvait que conduire à un désastre, sinon à un cataclysme global.

Il faut aussi saluer Barack Obama, si décrié ces temps-ci aux États-Unis principalement pour les ratés de sa politique de santé. Depuis sa première élection, il s’efforce de rétablir un peu d’ordre dans une région encore plus à feu et à sang depuis la chute de l’Union soviétique, en particulier à cause des débordements idéologiques de son prédécesseur. En coopérant avec la Russie sur la Syrie, il a certes pris le risque énorme d’affaiblir la crédibilité américaine, mais il a permis de rétablir ouvertement le dialogue avec l’Iran, dont l’accord de Genève du 24 novembre est le premier fruit.

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À l’évidence, il ne s’agit que d’un tout premier pas, que l’on peut comparer à la diplomatie du ping-pong de Nixon et de Kissinger en 1972 vis-à-vis de la Chine de Mao. Le succès final n’est nullement assuré. Mais à partir de l’acquis, si modeste soit-il, on peut espérer une dynamique qui affectera positivement la Syrie, l’Irak et l’Afghanistan, et donc tous les États touchés par les événements qui s’y déroulent. Certes, non sans mécontenter ceux qui – chacun pour des raisons différentes – se nourrissaient d’un autre paradigme, comme la Turquie d’Erdogan, l’Israël de Netanyahou, ou l’Arabie des Saoud. Sans parler des petits États rentiers, comme le Qatar ou les Émirats arabes unis, qui ne font pas toujours le meilleur usage de leurs milliards. Mais si les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, éventuellement avec le concours de quelques autres puissances moyennes, s’inscrivent durablement dans la logique de la recherche d’un nouvel équilibre au Moyen-Orient, une solution finira par émerger, où chacun aura sa place et s’y trouvera en sécurité.

Le mieux qu’on puisse espérer actuellement pour le Moyen-Orient est la mise en place d’un processus semblable à celui d’Helsinki, qui résulta du dialogue Est-Ouest il y a quatre décennies.

Tel était sans doute l’objectif de George W. Bush et de Dick Cheney, mais ils imaginaient, comme les idéologues occidentaux de 1989 à l’époque de la répression sanglante de Tiananmen, qu’il suffisait d’agiter des effigies de la statue de la liberté pour répandre la démocratie. On aurait dû savoir à l’époque, et l’on serait impardonnable de ne pas le comprendre aujourd’hui, que la démocratie ne se décrète pas. Elle ne peut émerger que d’un mouvement historique maîtrisé, et non pas du chaos. C’est pourquoi le mieux qu’on puisse espérer actuellement pour le Moyen-Orient est la mise en place d’un processus semblable à celui d’Helsinki, qui résulta du dialogue Est-Ouest il y a quatre décennies et permit l’exploit, lorsque le temps fut venu, d’absorber presque sans coup férir le choc de la chute du système communiste. Et même de modifier pacifiquement les frontières en Europe. Une des clés de ce processus remarquable fut la mise en place de "mesures de confiance" qui aidèrent à sortir d’un affrontement idéologique dangereux et stérile. Que l’Iran paraisse aujourd’hui intéressé par une telle démarche est une chance que les Occidentaux doivent saisir.

Plus généralement, le modèle de la fin de la guerre froide pourrait inspirer d’autres initiatives de la communauté internationale, dans des régions comme l’Asie de l’Est ou même, en Afrique, celle des Grands Lacs. Par "communauté internationale", j’entends les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, mais aussi des "puissances moyennes". Il s’agit de puissances régionales (par exemple la Corée du Sud – particulièrement intéressée par le parallèle entre l’Iran et la Corée du Nord) capables et désireuses de contribuer substantiellement à la stabilité structurelle du monde dans son ensemble. Tel est aujourd’hui le sens de la "multipolarité".

Alors que l’année 2013 se termine ainsi sur une note d’espoir, la World Policy Conference a tenu sa sixième édition, du 13 au 15 décembre, à Monaco. Sa raison d’être repose sur cette interprétation de la multipolarité, et sur l’idée que le retour et la consolidation de la confiance ne sont pas seulement l’affaire des gouvernements, mais aussi de la société civile au sens le plus large du terme.

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