Algérie-France : le général de Gaulle a été informé du massacre du 17 octobre 1961

Des archives inédites de la présidence française révèlent que de Gaulle avait été informé de l’ampleur de la répression, sur ordre de Maurice Papon, des manifestations du 17 octobre 1961. Un crime d’État resté impuni qui a fait entre 200 et 300 morts.  

Des Algériens arrêtés lors de la manifestation du 17 octobre 1961, à Paris. © UPI/AFP

Publié le 8 juin 2022 Lecture : 3 minutes.

Le général de Gaulle n’ignorait rien du massacre du 17 octobre 1961 qui a fait plusieurs dizaines de victimes parmi les Algériens au cours d’une manifestation pacifique à Paris sauvagement réprimée par la police.

Selon les archives déclassifiées citées par le site d’information Mediapart, le président de la République a été informé de l’ampleur du massacre et s’en est indigné, demandant même que toute la lumière soit faite. Mais le général de Gaulle n’a pas pris de sanction contre le préfet de police de Paris, Maurice Papon, principal responsable de cette tuerie.

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Exécutions, noyades, lynchages

Mardi 17 octobre 1961, cinq mois avant la fin de la guerre d’Algérie, plus de 30 000 Algériens manifestent pacifiquement contre le couvre-feu imposé le 4 octobre aux « musulmans d’Algérie » et contre la répression organisée par le préfet de police Maurice Papon.

La réaction de la police sera d’une brutalité inouïe. Exécutions, noyades, lynchages… La répression fera officiellement 3 morts. Mais selon d’autres sources, le bilan de ces violences qui se sont poursuivies tout au long de la nuit du 17 octobre ont fait entre 200 et 300 morts.

Dans les archives déclassifiées, Mediapart a ainsi retrouvé une note datée du 28 octobre 1961, rédigée par Bernard Tricot, conseiller du général de Gaulle pour les affaires algériennes, dans laquelle il indique au président que ces manifestations ont fait 54 morts. « Les uns auraient été noyés, les autres étranglés, d’autres encore abattus par balles, explique Bernard Tricot. Les instructions judiciaires ont été ouvertes. Il est malheureusement probable que ces enquêtes pourront aboutir à mettre en cause certains fonctionnaires de police. »

Le 6 novembre, le même fonctionnaire adresse une seconde note dans laquelle il expose une « question d’ordre gouvernemental » et fait part de « la découverte dans la région parisienne, depuis le 22 octobre, des cadavres d’un certain nombre de Musulmans algériens ».

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Au président de la République, le conseiller pour les affaires algériennes écrit encore qu’il a besoin de « savoir si on se bornera à laisser les affaires suivre leur cours, auquel cas il est probable qu’elles s’enliseront, ou si le ministre de la Justice [Bernard Chenot], ainsi que le ministre de l’Intérieur [Roger Frey] doivent faire savoir aux magistrats et officiers de la police judiciaire compétente que le gouvernement tient à ce que la lumière soit faite ».

Il poursuit : « Il importe beaucoup, semble-t-il, que le gouvernement prenne dans cette affaire une position qui, tout en cherchant à éviter le plus possible le scandale, montre à tous les intéressés que certaines choses ne doivent pas être faites et qu’on ne les laisse pas faire. »

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« Il faut poursuivre les coupables »

Réponse manuscrite du général de Gaulle retrouvée dans les archives déclassifiées : « Il faut faire la lumière et poursuivre les coupables. Il faut que le ministre de l’Intérieur prenne vis-à-vis de la police une attitude d’“autorité”, qu’il ne prend pas, et qui, d’ailleurs, n’exclut nullement, bien au contraire, la “protection”. »

Mais aucune mesure ne sera prise contre les policiers et responsables qui ont ordonné et couvert ce massacre. Les poursuites judiciaires, pourtant encouragées par le président de Gaulle, ont été abandonnées en mars 1962 à la suite de la promulgation d’une loi d’amnistie portant sur tous les crimes et délits « en relation avec les événements d’Algérie ».

Les ministres de l’Intérieur et de la Justice, ainsi que le préfet Maurice Papon ont été maintenus dans leurs fonctions. Ce dernier, qui a toujours nié les violences policières, a été condamné en 1998 pour complicité de crimes contre l’humanité pour son rôle dans la déportation de juifs entre 1942 et 1944.

Il faudra attendre octobre 2021 pour que la présidence française reconnaisse pour la première fois que « près de 12 000 Algériens furent arrêtés et transférés dans des centres de tri au stade de Coubertin, au Palais des sports et dans d’autres lieux. Outre de nombreux blessés, plusieurs dizaines furent tués, leurs corps jetés dans la Seine ». Dans un communiqué, le président Emmanuel Macron a évoqué des « crimes inexcusables » commis « sous l’autorité de Maurice Papon ».

Avec AFP

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