Sommet de l’Élysée : lettre ouverte d’une étudiante africaine à François Hollande
Rène Mboukou-Lolo est ingénieure, diplômée de l’Ensiame de Valenciennes. Étudiante à l’Institut supérieur Arcade formation de Caen
Afrique – France : comme on se retrouve !
Monsieur Le président de la République,
Les étudiants étrangers représentent un réel atout pour la croissance des pays qui les accueillent, et, chaque année, les pays développés cherchent à en attirer le plus possible. Ce n’est pas moi qui le dis, mais les différentes études récemment publiées sur le sujet. Ainsi, la France compte aujourd’hui quelque 289 000 étudiants étrangers, soit un étudiant sur huit. Parmi eux, près de la moitié sont africains.
Tout comme eux, j’ai choisi la France pour mes études. Je les ai débutées à l’UFR des sciences de Versailles, dans les Yvelines, où l’accueil a été globalement satisfaisant. La formation que j’y ai suivie aussi. Les frais universitaires étaient abordables, les programmes bien construits et les enseignants pour la plupart compétents. Je n’ai pas eu de mal à m’intégrer et j’ai eu la chance de rencontrer des personnes venues d’horizons divers. C’est d’ailleurs l’un des avantages majeurs de la vie étudiante en France. Elle permet de s’ouvrir au monde.
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J’ai aussi découvert une autre facette, moins glorieuse, de la vie des étudiants étrangers en France. Celle-ci se résume en un mot : débrouille. Les petits boulots, les recherches d’appartement, les démarches administratives… et les renouvellements de titre de séjour, aux aurores. Laissez-moi vous raconter cette simple anecdote, typique, banale, presque caricaturale si elle n’était pas si réelle, que des milliers d’étudiants africains en France ont dû vivre au moins une fois.
Il y a environ cinq ans, j’ai dû faire renouveler mon titre de séjour et me suis rendue, un après-midi, à la préfecture de Versailles. On m’a d’abord dit que les dépôts de dossier se faisaient uniquement le matin. Le lendemain, à 6 heures tapantes, me voilà donc une nouvelle fois à la préfecture, sachant qu’elle n’ouvre qu’à 8 h 45. Nous sommes déjà une vingtaine, de tous âges, de tous profils (travailleurs, étudiants, réfugiés). C’est parti pour deux heures et quarante-cinq minutes d’attente, dans le froid. Mon tour arrive enfin… et il n’y a plus de tickets. "Il faut revenir demain", me dit-on. Excédée, je demande à un agent administratif combien de personnes sont admises chaque jour. Réponse : "Cela varie." Il m’a fallu revenir à trois reprises, et de plus en plus tôt, pour obtenir le précieux sésame.
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Cette "aventure préfectorale", monsieur le président, a été pour moi une véritable claque. Fille d’anciens universitaires parisiens et congolais, j’ai toujours eu un lien très particulier avec la France. Les valeurs de la République m’ont été transmises à la fois par mes parents et par l’enseignement que j’ai suivi au cours de ma scolarité, qui s’est déroulée entre la France et le Congo. Pour moi, la France était avant tout le pays des Lumières, des droits de l’homme, où personne, simple citoyen ou simple étranger, n’a à passer une nuit devant les portes d’une administration dans l’espoir d’y être reçu.
Il est vrai que, depuis, la situation s’est améliorée. Certains étudiants étrangers ont dorénavant la possibilité de passer par leurs universités pour effectuer leurs démarches administratives. Mais pour beaucoup d’entre eux, celles-ci restent un cauchemar.
J’ai obtenu cette année un master 2 d’ingénieur en qualité, hygiène, sécurité et environnement, qui est reconnu sur le plan international. Je continue à me former et ne sais pas encore où je vais m’établir professionnellement. Pour une double raison. Tout d’abord parce qu’aujourd’hui, même si j’aime la France et que j’y suis autant attachée qu’à mon pays d’origine, je me considère avant tout comme une citoyenne du monde, qui ira là où l’emploi la mènera. Mais aussi parce que, même si j’ai été formée dans ce pays, j’ai l’impression qu’en France le marché du travail me restera fermé. Les préjugés sur les Africains et sur l’Afrique perdurent et, dès leurs premières recherches de stage ou d’emploi, les étudiants d’origine africaine voient les occasions se présenter sans pouvoir les saisir, faute d’avoir le "bon papier", faute d’avoir la bonne origine.
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