[Enquête] Sécurité, mandats, finances, gouvernance… Union africaine : 20 ans pour rien ?
« L’Union africaine a 20 ans : les illusions perdues (2/4). » Une Commission sous contrôle, un Conseil paix et sécurité impuissant, un instrument d’autoévaluation négligé… Voyage au cœur d’une organisation où les pieux appels à la bonne gouvernance masquent mal une realpolitik qui règne sans partage.
Union africaine : les illusions perdues
Née en 2002, l’UA continue d’être perçue par les Africains comme inefficace et peu crédible. Retrouvez tous les articles de notre enquête.
Confortablement installé dans son large fauteuil de la salle plénière, Faustin-Archange Touadéra est impassible. Sous l’intense lumière blanche du palais des congrès de Malabo, le docteur en mathématiques se sait observé. Dans son dos ou au balcon, certains conseillers ayant suivi les débats sont à l’affût d’un sourire ou, a contrario, d’un air contrit. Mais l’intéressé, affichant son habituelle mine bonhomme, reste de marbre. En ce samedi 28 mai, au deuxième jour d’un sommet extraordinaire des chefs d’État de l’Union africaine (UA), le président centrafricain a approuvé, comme ses pairs, une déclaration condamnant, « sans équivoque, toutes les formes de changement anticonstitutionnel de gouvernement » et reconnaissant l’ »impact négatif sur la paix » des « sociétés militaires privées » et autres « mercenaires » étrangers. Et ce faisant n’a pas sourcillé.
Deux jours plus tôt, à Bangui, à plus de 1 000 kilomètres à l’est, un député de son parti, le Mouvement cœurs unis, a pourtant présenté à l’Assemblée nationale un projet de modification de la Constitution. Objectif (entre autres) : supprimer la limitation du nombre de mandats présidentiels et permettre de facto à Faustin-Archange Touadéra de briguer un troisième mandat. La même semaine, non loin du palais de l’Assemblée, les mercenaires du groupe russe Wagner se sont, quant à eux, réapprovisionnés dans leur supermarché préféré de Bangui, le Rayan, via un compte ouvert et financé pour eux par le gouvernement centrafricain. Pendant que leur employeur de président s’envolait pour la Guinée équatoriale, ils pouvaient poursuivre tranquillement leur mission. La vérité de Bangui n’est pas celle de Malabo.
Décalage entre les discours et les actes
Ce 28 mai, en Guinée équatoriale, Faustin-Archange Touadéra – qui affirme ne pas être derrière le projet de modification de la Constitution à Bangui – joue donc double-jeu devant des interlocuteurs peu convaincus. Autour de lui, ses pairs n’ont d’autre choix que d’adhérer au discours officiel de l’UA, qui consiste à condamner toute forme de coup de force constitutionnel. « Personne ne veut être pris en flagrant délit de cautionnement », explique un habitué de l’organisation. « Certains sont sincères, et d’autres ont eux-mêmes modifié leur Constitution et veulent donc le faire oublier », souligne cette source. Le coup de poker centrafricain est-il risqué pour autant ? « En réalité, Touadéra sait qu’au-delà des discours il ne risque rien », tranche un diplomate.
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