[Baromètre] Les dirigeants africains retrouvent confiance, selon une étude Deloitte-Africa CEO Forum
La troisième édition de l’enquête réalisée auprès des dirigeants des grandes entreprises africaines montre une tendance à l’optimisme malgré l’émergence de nombreux risques.
Africa CEO Forum 2022 : les nouveaux chemins de la prospérité
Les 13 et 14 juin, 1500 décideurs se sont rassemblés à Abidjan pour tracer les voies de la croissance africaine de demain, dans le cadre de l’Africa CEO Forum, dont on célébrera les dix ans d’existence. Une édition placée sous le signe de la transition énergétique et de la transformation économique.
Deloitte Afrique et l’Africa CEO Forum ont publié ce 13 juin, à l’occasion du plus grand rassemblement du secteur privé africain, la troisième édition de leur enquête auprès des PDG du continent. Ce sondage exclusif qui a permis de récolter quelque 200 réponses de chefs d’entreprises d’Afrique anglophone et francophone montre que ces derniers ont retrouvé les niveaux de confiance antérieurs à la crise sanitaire.
En tout, 78 % des personnalités interrogées se disent confiantes dans les perspectives économiques de leurs secteurs. À cause notamment de la résilience dont a fait preuve la plupart des économies africaines, mais aussi du rebond amorcé à la fin du 2ème trimestre 2021.
Le PIB de l’Union connaîtrait une hausse de 6,1 % en 2021 et de 6,5 % en 2022
Cette enquête exclusive met également en avant le point de vue de dix CEOs qui ont partagé leurs analyses, stratégies et approches à long terme concernant les marchés africains. Ainsi, Simon Tiemtore, président du Groupe Vista Bank, a indiqué vouloir continuer « à soutenir la croissance durable du continent en investissant et en innovant ». Malgré les défis actuels, son groupe compte poursuivre son développement panafricain, « avec l’objectif d’être présent dans 25 pays à l’horizon 2025 ».
À l’image de Vista Bank, nombreuses sont les entreprises du continent qui ont renforcé leur « disponibilité opérationnelle et leurs outils de gestion des risques », souligne l’enquête. Au lendemain de la pandémie, les sociétés se considèrent désormais mieux préparées à affronter de futures crises, mais restent toutefois très prudentes face à l’émergence de nouveaux risques.
Émergence de nouveaux risques
Les conséquences de la guerre en Ukraine sont ainsi au cœur des préoccupations actuelles. Les bouleversements dans les chaînes d’approvisionnement et les forts taux d’inflation constituent également des sources majeures d’imprévisibilité et d’inquiétude, comme l’a bien souligné Emmanuel Gadret, directeur associé, Deloitte Afrique Francophone. « L’inflation actuelle en Europe et la guerre tragique en Ukraine affectent réellement les coûts des matières premières, ainsi que l’approvisionnement en produits alimentaires de base », explique-t-il.
À cela s’ajoutent les fluctuations macroéconomiques en lien avec les crises politiques et sécuritaires, ainsi que les risques spécifiques à certaines activités (notamment cybersécurité, risques financiers de crédit, de change et de marché). De fait, Hassanein Hiridjee, le PDG du groupe AXIAN qui mène une politique expansionniste de son activité télécom depuis quelques années explique : « Avant d’investir en Afrique, nous évaluons d’abord l’état de droit, la stabilité de la monnaie locale et la qualité des talents locaux. »
Dans la zone Uemoa, Serge Ekué, le président de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), estime que « la réaction rapide des institutions et des autorités de l’Union permet de limiter l’ampleur des chocs et jette les bases d’un rebond économique ». D’après ses dires, les projections réalisées en décembre 2021 confirment la reprise attendue. « En termes réels, le PIB de l’Uemoa connaîtrait une hausse de 6,1 % en 2021 et de 6,5 % en 2022 malgré la pression inflationniste. »
Sara Masmoudi, la présidente directrice générale du groupe Kilani, voit dans la crise du Covid-19 une opportunité pour le continent de gagner en indépendance. Pour la dirigeante, il s’agit d’une « chance pour l’Afrique », « désormais un acteur mondial capable de façonner de futurs partenariats avec des acteurs internationaux. »
La Côte d’Ivoire, N°1 de l’attractivité
À la question, « en fonction des facteurs clés de localisation dans votre secteur, quels pays africains trouvez-vous actuellement les plus attractifs pour l’investissement ? », la majorité des investisseurs répondent la Côte d’Ivoire. La terre d’Éburnie est suivie de près par le Ghana et le Nigeria. Pour la première fois cette année, le Bénin se fait une place dans le classement des pays africains les plus attractifs. Une ascension qui s’explique par la bonne posture adoptée par le gouvernement du pays face aux chocs externes.
Pour l’instant, les PDG interrogés se montrent peu convaincus par la Zone de libre-échange continentale africaine. « La Zlecaf est pour moi un projet de très long terme, car sa mise en œuvre opérationnelle nécessitera une coopération public-privé », estime par exemple Laila Ait El Mkadem, directrice générale du groupe Optorg.
Place à l’innovation
Plus que jamais, les entreprises africaines perçoivent l’innovation comme une source de croissance. En la matière, les sociétés africaines adoptent une démarche de plus en plus structurée, centrée sur une stratégie clairement définie et une gouvernance spécifique.
Ces innovations sont notamment orientées vers des domaines tels que la numérisation interne, l’utilisation de la blockchain et des cryptomonnaies qui représentent 17 % des investissements novateurs envisagés par les patrons. Mais en l’absence de cadres juridiques adaptés, ces alternatives semblent inspirer la méfiance de certains. Pierre Goudiaby, PDG du groupe ATEPA (urbanisme, conception architecturale et travaux de construction), pense toutefois qu’il faut s’engager dans l’innovation « au lieu de faire preuve d’un excès de prudence ». Pour lui, « la réticence des banques centrales envers les cryptomonnaies est déraisonnable ».
Dans la même veine, Patricia Poku Diaby, PDG de PLOT Ghana (entreprise de transformation du cacao), avance que le système panafricain de règlement des paiements (PAPSS), une fois opérationnel, « devrait contribuer à réduire l’instabilité et offrir un cadre commercial plus solide ».
Diversifier les sources de financement
Les dirigeants africains favorisent l’autofinancement, mais pour des projets à plus grande portée, ils misent sur le capital-investissement. D’après l’étude Deloitte-Africa Ceo Forum, 30 % d’entre eux considèrent que le partenariat avec des fonds de capital-investissement est un levier de création de valeur. D’ailleurs, ces dernières années, le nombre de fonds d’investissements mondiaux, sectoriels et diversifiés qui s’intéressent à l’Afrique a augmenté.
Pourtant, la situation des PME sous-financées par le système financier conventionnel demeure un problème crucial pour les dirigeants africains. À ce jour, moins de 10 % des sondés déclarent qu’ils émettront de nouvelles actions ou feront une introduction en bourse, et 4 % chercheront d’autres sources de financement.
Miser sur la durabilité
Après deux ans de crise sanitaire mondiale, la publication du sixième rapport d’évaluation du GIEC de l’ONU met en garde tous les opérateurs économiques contre les grands défis à venir. Dans ce contexte, les PDG africains veulent améliorer leur impact environnemental, social et de gouvernance (ESG), en transformant leurs entreprises. D’après les estimations de Deloitte, 83 % des dirigeants ont intégré les questions ESG dans leur stratégie d’entreprise. Ce changement d’état d’esprit n’est pas par autant encore totalement concrétisé, comme le montrent les 48 % de répondants qui déclarent que leur entreprise ne publie pas de rapport sur leur responsabilité sociétale (RSE).
Gagner de l’argent, mais aussi faire le bien
Le plus gros enjeu se situe donc au niveau des stratégie durables, point faible des entreprises africaines. Comme l’a souligné Hassanein Hiridjee, PDG d’Axia, il s’agit désormais de « gagner de l’argent, mais aussi de faire le bien ».
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Africa CEO Forum 2022 : les nouveaux chemins de la prospérité
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