Sénégal : le PDS en pleine migraine
Malgré le retrait d’Abdoulaye Wade et les dossiers ouverts contre ses ténors, le Parti démocratique sénégalais (PDS) ne veut pas se choisir un nouveau chef. Une situation un brin surréaliste…
Sénégal : à la recherche d’un second souffle
Sur le bas-côté de la voie rapide qui traverse Dakar, une affiche à l’effigie d’Abdoulaye Wade, barrée du slogan "Le choix de l’avenir", marque l’entrée du siège du Parti démocratique sénégalais (PDS). Vestige de la précédente campagne présidentielle, elle résume la situation dans laquelle se trouve le mouvement libéral depuis sa double défaite électorale de 2012. De la façade aux salles de réunion en passant par le hall d’accueil, le visage d’Abdoulaye Wade est omniprésent. Malgré son exil en France, le numéro un du parti, c’est toujours lui.
En partant en "retraite politique", l’ancien chef de l’État a confié les clés de la maison à Oumar Sarr, l’un de ses fidèles lieutenants et ancien ministre, nommé coordinateur national. Mais bien qu’il n’occupe plus de position exécutive, le patriarche quasi nonagénaire continue à tenir son rang dans les coulisses. Un an et demi après sa défaite, le PDS n’a toujours pas inscrit à son ordre du jour le renouvellement de ses instances dirigeantes ni la désignation d’un nouveau secrétaire général national. Les libéraux sénégalais seraient-ils devenus adeptes de l’autogestion ?
La bataille ne se joue pas au sein de l’hémicycle, mais auprès de l’opinion.
Modou Diagne Fada, président du groupe parlementaire du PDS
Les cadres du parti suspectés de détournement d’argent public
Pourtant, la période est sombre. Trois mois après la défaite de son candidat à la présidentielle, le PDS a en effet touché le fond lors des législatives du 1er juillet 2012, face à la coalition Benno Bokk Yakaar (BBY) formée autour de Macky Sall. Devenu principal parti d’opposition, l’ancien parti présidentiel n’a conservé que 12 députés sur 150, contre 131 lors de la précédente législature. "La bataille ne se joue pas au sein de l’hémicycle, mais auprès de l’opinion", reconnaît Modou Diagne Fada, président du groupe libéral à l’Assemblée nationale.
L’annus horribilis s’est poursuivie lorsque des enquêtes préliminaires ont visé les principaux cadres du parti, suspectés les uns après les autres de détournement d’argent public ou d’enrichissement illicite. En tête de gondole, Karim Wade, incarcéré à la prison de Rebeuss, à Dakar, depuis le 17 avril 2013. Six autres personnalités de la mouvance libérale y sont également détenues depuis plusieurs mois.
Un régime "revanchard" qui veut "décapiter" l’opposition
"Le PDS représente une force réelle dans le pays, analyse un député de Rewmi, le parti de l’ancien Premier ministre Idrissa Seck. Mais pour espérer peser dans la balance, il doit se trouver un leader." Or les cadres du comité directeur n’ont pas l’air pressés d’y parvenir. "Nous ne pouvons pas nous permettre de rebattre les cartes dans le parti pour le moment, estime Oumar Sarr. Notre priorité, c’est de faire bloc autour des personnes agressées et d’organiser le combat." Selon lui, le PDS pourrait tenir ainsi jusqu’en décembre 2014, après les élections locales prévues en juin, afin de ne pas alimenter d’inopportunes divisions en son sein.
En attendant que le parti fasse peau neuve, les principaux ténors du PDS donnent de la voix à tour de rôle pour dénoncer le bilan de Macky Sall et vilipender un "régime revanchard" qu’ils accusent de chercher à "décapiter" l’opposition. Une posture de rupture qui a probablement évité au parti de se disloquer au lendemain de sa débâcle, mais qui, pour l’heure, ne lui offre aucune garantie de retrouver de sa superbe dans les urnes.
Une succession dynastique à la tête du PDS risquerait-elle de le desservir et de provoquer son implosion ?
Quant au profil du futur successeur, les jeux restent ouverts. D’un côté, le vivier des fidèles compagnons de l’ancien chef de l’État, d’Ousmane Ngom à Oumar Sarr, en passant par Modou Diagne Fada. De l’autre, le nom de Karim Wade revient avec insistance comme un recours possible, avec le visible assentiment de l’intéressé. Mais selon un responsable du parti, cette perspective relèverait du bluff : "Tel que je le connais, Karim est trop secret sur ses intentions pour laisser fuiter une telle décision aujourd’hui." D’autant que plusieurs piliers du PDS ne se cachent pas d’y être défavorables. Selon eux, une succession dynastique à la tête du parti risquerait de le desservir et de provoquer son implosion. À moins que ce ne soit déjà fait…
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