Karim Oumnia, une pointure au-dessus
Natif d’Alger, cet ingénieur a révolutionné le monde de la chaussure. Encore peu connu en France, Karim Oumnia est parvenu à se faire un nom à l’étranger grâce à ses innovations.
L’histoire a tout d’un scénario hollywoodien. Fin 2001, Antonio Banderas, Beyoncé, Madonna ou encore Will Smith portent des chaussures Baliston créées par Karim Oumnia. Comment ce fils de fonctionnaire algérien, issu d’une fratrie de huit, a-t-il pu taper dans l’oeil des stars ? Sans doute grâce à l’entremise d’un producteur américain rencontré sur un salon professionnel à Las Vegas. Mais ce n’est là qu’un épisode d’un parcours surprenant.
Lorsque Karim Oumnia arrive à Nancy (France), en 1990, rien n’est gagné. Il débarque d’Alger avec un diplôme de l’École polytechnique et ses maigres économies pour bagage. Son objectif ? Suivre l’unique cursus en génie des systèmes industriels disponible dans l’Hexagone, à l’École des mines de Nancy. « C’est la formation que j’ai toujours voulu faire, car elle est transversale. Je voulais toucher à tout pour ne pas m’enfermer dans une voie », explique-t-il. Mais pour valider son année il doit trouver un stage. « J’ai envoyé cinquante-deux lettres de candidature et je n’ai reçu qu’une seule réponse… négative », se remémore-t-il avec précision. Heureusement, Maurice Castagnier, le directeur de l’école, le prend sous son aile et lui présente l’un de ses amis, patron de Promotech, une entreprise spécialisée dans les transferts de technologies. « Je lui ai proposé de faire gagner à sa société dix fois plus que ce que mon stage lui coûtait. Six mois plus tard, j’ai été bien au-dessus de mes objectifs et j’ai été embauché. »
Oublié les moments de solitude et l’éloignement familial, Karim Oumnia est lancé dans la vie active. Très vite, il comprend qu’il veut devenir son propre patron. Féru de sport – il a joué dans l’équipe nationale algérienne de waterpolo – mais aussi d’innovation, il dépose le nom de sa première marque, Baliston, et commence à développer des concepts liés aux chaussures fin 1994. « À l’époque, toutes les marques se copiaient entre elles, sans prendre le risque d’innover. J’ai donc décidé de me lancer seul, ce qui relevait de la folie pour mon entourage », affirme-t-il. Un pari audacieux.
En 1998, il présente la chaussure de football la plus légère au monde. Tout s’enchaîne ensuite comme dans un film d’action. Des équipes de football professionnel s’intéressent à ses produits, et il sponsorise certains clubs français (Nancy, Troyes, Ajaccio) et même l’équipe nationale du Mali. Pour le grand public, il lance le modèle Diva, destiné aux femmes, avant de s’attaquer au marché américain. En 2003, grande fierté, il est contacté par l’Élysée pour participer au déplacement de Jacques Chirac en Algérie. « Je n’en revenais pas. Au départ, je pensais que j’avais des problèmes de papiers », plaisante-t-il.
Plutôt discret sur sa réussite, il est démasqué par ses proches lors de cette visite. « Je gardais ça pour moi, car je ne souhaitais pas être indécent. Il faut savoir garder les pieds sur terre », explique-t-il. C’est après ce voyage que l’idée de chaussures antitranspirantes lui vient. Il dépose le brevet en 2007, crée Glagla Shoes en 2009 et revend Baliston en 2011.
Aujourd’hui, ses chaussures Glagla sont vendues sur internet et distribuées dans une cinquantaine de pays, de l’Australie aux États-Unis, en passant par Hong Kong ou Israël, mais pas encore en France, paradoxalement. « Il est beaucoup plus facile de réussir à l’étranger », admet-il sans amertume. Par la force des choses, Oumnia s’est mué en globe-trotteur et parcourt le monde entier pour nouer des partenariats, participer à des salons professionnels et visiter des usines de fabrication. « Je voyage pour conquérir de nouveaux marchés », confirme-t-il. Audacieux, brillant, hyperactif sont des adjectifs qui lui collent à la peau. « En tant qu’ingénieur, j’aime le développement de produits. C’est beaucoup plus vivant que la gestion financière. » Sur ce dernier point, il n’a plus trop à s’inquiéter. En 2012, son entreprise a réalisé un chiffre d’affaires de 2 millions d’euros.
Entre deux avions, il n’oublie pas pour autant l’essentiel, à savoir passer du temps avec sa femme, ses deux garçons et sa fille à Nancy (est de la France), devenue sa ville d’adoption. Mais il n’entend pas se reposer sur ses lauriers. Il prévoit d’ouvrir une filiale aux États-Unis, de créer une coentreprise en Chine, de développer un bureau d’étude en Algérie et, à 46 ans, il songe même à créer une usine en France. Rien que ça ! « Le plus rassurant dans tout ça, c’est que je ne me suis pas contenté d’un simple coup de chance. »
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