Mali : Moussa Sinko Coulibaly, de l’ombre à la lumière

Autrefois proche du putschiste Sanogo, Moussa Sinko Coulibaly fait figure de miraculé. Ministre de l’Administration territoriale, c’est lui qui avait la charge des législatives du 24 novembre.

Le 30 juillet à Bamako. Le bon déroulement de l’élection a été attribué à ses équipes. © Émilie Régnier pour J.A.

Le 30 juillet à Bamako. Le bon déroulement de l’élection a été attribué à ses équipes. © Émilie Régnier pour J.A.

Publié le 3 décembre 2013 Lecture : 3 minutes.

Les Maliens étaient appelés aux urnes le 24 novembre pour cette fois élire leurs députés. Moussa Sinko Coulibaly, le ministre de l’Administration territoriale, qui a notamment la charge d’organiser le vote, s’apprête donc à revenir dans la lumière. Pas sûr qu’il s’en réjouisse.

De sa première sortie publique lors du dernier scrutin, "Sinko" ne peut garder qu’un souvenir amer. C’était le 30 juillet, deux jours après le premier tour de la présidentielle. Dans une pièce exiguë et surchauffée du ministère, il avait offert un spectacle déconcertant, désignant un vainqueur (Ibrahim Boubacar Keïta, IBK) avant l’heure. Puis refusant de donner des chiffres et se murant dans le silence.

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Quelques minutes plus tard, les partisans de Soumaïla Cissé, rendus hystériques par ce qu’ils considéraient alors comme une tentative par la junte d’imposer "son" candidat, exigeaient sa démission. Étonnant paradoxe : dans le même temps, les chancelleries étrangères répétaient que l’homme était "compétent", "brillant" même, et que sa seule faute était de ne pas avoir suffisamment préparé cette sortie médiatique. "Ce qu’il a réalisé en quelques mois, c’est exceptionnel. Si les élections ont eu lieu, c’est beaucoup grâce à lui", indiquait un diplomate français.

Un homme de l’ombre

Au lendemain de sa conférence de presse, le ministre était, dit-on dans son entourage, dévasté. Deux mois plus tard, il n’exprimait aucun regret. "Je voulais dire que le travail était en cours, mais je ne pouvais pas me hasarder à donner des chiffres", indiquait-il à Jeune Afrique.

Curieuse défense, qui confirme ce que ses proches disent de lui : ce natif de Bamako a beau parler le bambara, le français, l’anglais et l’allemand, ce n’est pas un homme du verbe. C’est un taiseux, un stratège formé aux meilleures écoles militaires de France (Saint-Cyr puis l’école du génie à Angers) pour penser vite et bien, pas pour séduire son auditoire. Un homme de l’ombre qui n’a pas vocation à être sur le devant de la scène.

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C’était le cas, déjà, quand une nuée de sous-officiers ont pris le pouvoir le 22 mars 2012. Ce jour-là (il était alors colonel), il conduisait une formation à l’École de maintien de la paix. Il n’était donc pas de la marche sur Koulouba. Mais il s’est rapidement imposé comme "l’éminence grise" de la junte et de sa figure de proue, le capitaine Sanogo, dont il fut le directeur de cabinet. Ils avaient fait leurs classes ensemble au Prytanée militaire de Kati. Ils sont de la même année (1972), de la même promotion, mais pas tout à fait du même acier : Sanogo, tire-au-flanc, n’est pas allé bien loin dans sa scolarité ; Sinko, lui, a fait de brillantes études (bac scientifique, maths sup/spé en France) et était destiné à une honorable carrière d’officier. Cela ne les empêche pas d’être liés par une amitié qui, dit-il, "va au-delà des événements politiques que traverse le pays".

Remettre le pays à l’endroit

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Quand il a fallu rendre le pouvoir aux civils, Sinko a été de ceux qui ont poussé Sanogo à transiger avec les chefs d’État ouest-africains. Puis, quand il a été question d’élections, c’est lui qui a été propulsé au ministère de l’Administration territoriale. "Dans un délai relativement court, nous avons réussi à remettre le pays à l’endroit", s’enorgueillit-il.

En août, il a été fait général de brigade. Puis en septembre, il a été reconduit à la tête de son ministère. Aujourd’hui, Sinko fait figure de miraculé : de tous ceux que la junte a placés durant son règne, il est l’un des rares à avoir résisté au retour à l’ordre institutionnel. Même Sanogo n’y a pas survécu. "Il le doit à ses compétences", assure-t-on dans l’entourage d’IBK. Et peut-être aussi au fait qu’il dit n’avoir aucune ambition politique.

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