Robert Dussey : « Je veux juste aider le président togolais à réussir »
Avant d’occuper le poste de ministre des Affaires étrangères, Robert Dussey a cultivé la discrétion. Parcours d’un homme passé du séminaire à la philosophie puis à l’enseignement, avant de s’initier aux arcanes du pouvoir.
Il y a quelques mois encore, il travaillait dans l’ombre de Faure Gnassingbé. Sherpa, conseiller diplomatique, médiateur, ami… Robert Dussey était de ces hommes à la fois discrets et influents sur lesquels aiment s’appuyer les chefs d’État. Mi-novembre, il s’est présenté seul, sans collaborateurs ni gardes du corps, au siège de Jeune Afrique, à Paris. Rien qui puisse suggérer que c’est bien lui qui, depuis le 17 septembre, dirige le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération du Togo.
Chargé de préparer la rencontre entre son président et François Hollande, qui a eu lieu le 15 novembre, Robert Dussey, à l’âge de 42 ans, a effectué sa première grande sortie en pleine lumière. "C’est dans la continuité de ce que je faisais avant, relativise-t-il pourtant. Les dossiers à traiter sont les mêmes, sauf que j’ai toute une administration à ma charge."
Dussey semble prendre du plaisir à répondre aux questions, même s’il excelle dans l’art de l’esquive lorsqu’on évoque les sujets de politique intérieure. "Je suis un universitaire. J’occupe une fonction que le président a bien voulu me confier, mais je ne souhaite pas faire carrière en politique."
"Robert Dussey : ""Il n’y a aucun froid entre… par Jeuneafriquetv
Philosophie de la médiation
Il est vrai que le jeune Dussey se destinait plutôt à une vie monastique. Né à Bangui, en Centrafrique, où travaillaient ses parents, il est inscrit au séminaire, apprend le latin et obtient son baccalauréat littéraire. De retour au Togo, le voilà frère franciscain. Il part ensuite pour le Congo-Brazzaville, où il intègre la communauté monastique du Lion de Juda, qui deviendra plus tard communauté des Béatitudes au Congo. Là-bas, il vit une "crise de vocation" et décide de reprendre des études de philosophie. Direction Abidjan, en Côte d’Ivoire.
Son doctorat en poche, il rentre au Togo et entame une carrière d’enseignant à l’université de Lomé, à laquelle il tient, aujourd’hui encore, comme pour garder la tête sur les épaules en dépit de ses fonctions au gouvernement. Auteur prolifique, il a écrit une demi-douzaine de livres, dont un essai, L’Afrique malade de ses hommes politiques (aux éditions Picollec, en 2009) – une critique virulente de la classe politique africaine. Il s’y plaint aussi de la tendance des présidents à s’accrocher au pouvoir.
Le religieux qui subsiste en lui se passionne pour les médiations. Réconcilier les familles Gnassingbé et Olympio, ennemies depuis des décennies ? C’est son idée. En 2003, "Faure" présente Robert Dussey au président Eyadéma, qui se laisse convaincre de la nécessité d’un rapprochement avec Gilchrist, le fils de Sylvanus Olympio, assassiné lors du coup d’État de 1963 mené par celui qui n’était alors que le sergent Étienne Eyadéma. Ce dernier décède avant la mise en oeuvre du projet, qui finit par aboutir en 2005 après l’accession de Faure Gnassingbé à la présidence. La rencontre "historique" a lieu en juillet 2005, à Rome. À la manoeuvre, la communauté Sant’Egidio, une organisation proche du Vatican, dont Dussey est membre. L’heureux entremetteur joue la carte de la modestie et conclut : "Je veux juste aider le président à réussir."
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