La « Chinafrique » et les poissons volés

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Publié le 25 novembre 2013 Lecture : 2 minutes.

La Chine change, sous l’impulsion de son nouveau président, Xi Jinping. Sur le plan intérieur comme sur le plan extérieur. Ainsi notamment de sa politique africaine. Beaucoup a été dit et écrit sur cette fameuse et opaque "Chinafrique", y compris dans nos colonnes. Pékin est aujourd’hui le premier partenaire commercial du continent, mais aussi son principal bailleur de fonds. Une position qui expose ce géant asiatique à des réactions contrastées, allant de l’espoir que cela représente pour l’Afrique aux accusations de pillage des ressources, voire de néocolonialisme, formulées – entre autres – par le gouverneur de la Banque centrale du Nigeria, Lamido Sanusi. Pékin s’emploie donc à rassurer, répond aux critiques et a même battu sa coulpe, reconnaissant certaines erreurs passées de sa stratégie de conquête.

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Il est pourtant un domaine, dont personne ne parle ou presque, qui illustre à merveille le hiatus entre discours et réalité, et, partant, le chemin qui sépare toujours le vice de la vertu : la pêche. Les bateaux chinois écument les océans de la planète et les côtes africaines en particulier, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Ces pirates des mers d’un nouveau genre captureraient chaque année, selon plusieurs études réalisées par des experts indépendants (dont la plus marquante est l’oeuvre de Daniel Pauly, chercheur à l’université de Vancouver, l’un des plus grands spécialistes au monde des ressources marines, intitulée "Fish and Fisheries", transmise au Parlement européen), près de 4,5 millions de tonnes de poissons, alors que Pékin n’en déclare auprès des Nations unies (FAO) qu’un peu moins de… 370 000 tonnes ! L’essentiel de ces captures fantômes a lieu en Afrique de l’Ouest (2,9 millions de tonnes).

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Cela pose un triple problème. D’abord, cela fausse considérablement les politiques de préservation des stocks mondiaux de poisson, les données communiquées par les États à la FAO étant utilisées par les scientifiques pour évaluer les ressources halieutiques et décider la mise en place de quotas. À ce train-là, compte tenu de l’écart effarant entre les chiffres officiels et la réalité, il ne va plus rester grand-chose dans nos mers… Ensuite, cela se fait évidemment au détriment des pêcheries locales, qui n’ont bien souvent pas les moyens de concurrencer les très sophistiqués bateaux chinois. Enfin, et cela résume assez bien la problématique centrale de cette "Chinafrique", il ne s’agit pas là forcément de pêche illégale. Car, comme dans bien d’autres domaines (mines, agriculture, énergie, etc.), ce sont bien souvent les États africains eux-mêmes qui avalisent ce pillage en signant des accords avec les autorités chinoises pour les autoriser, contre rémunération, à écumer leurs côtes… L’art de se tirer une balle dans le pied.

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