Cinéma : le dernier combat de Victor « Young » Perez

Inspiré d’une histoire vraie, le film de Jacques Ouaniche relate l’ascension d’un boxeur tunisien au destin hors norme, brisé par la déportation à Auschwitz, lieu de son ultime bataille.

Trois ans après sa retraite, Brahim Asloum a remis les gants pour jouer le rôle de Victor. © DR

Trois ans après sa retraite, Brahim Asloum a remis les gants pour jouer le rôle de Victor. © DR

Renaud de Rochebrune

Publié le 21 novembre 2013 Lecture : 3 minutes.

Nous sommes peu avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, à Auschwitz. Derrière des barbelés, un homme en pyjama rayé, manifestement fatigué par un tel exercice, fait du footing tout en bougeant les bras comme s’il donnait des coups à un adversaire invisible. Victor, déporté, s’entraîne malgré un état physique plutôt alarmant en vue d’un combat de boxe. Un match peu banal puisqu’il a été organisé par le commandant du camp de concentration qui, ayant repéré ce prisonnier juif ancien champion de boxe, veut le voir affronter un soldat allemand, lui aussi pugiliste "dans le civil", afin de démontrer l’évidente supériorité des Aryens sur les Juifs. Le combat se déroulant devant l’ensemble des gardiens et des prisonniers.

L’officier allemand n’a pris aucun risque : pour affronter le frêle "poids mouche" Victor, de surcroît affaibli par ses conditions de détention, il a fait appel à Kurz, un colosse qui affiche 20 bons centimètres et autant de kilos de plus que lui. Et pourtant, malgré les exhortations de son "manageur" qui le supplie de se "coucher" aussi vite qu’il le peut pour éviter une terrible punition, Victor, une fois que le gong a retenti, se sert de ses poings comme il a toujours eu l’habitude de le faire. Il reste debout en esquivant autant que possible les coups et réussit même à envoyer une fois son adversaire à terre, pour la plus grande fierté de ses compagnons d’infortune, avant de devoir lui-même finir au tapis.

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C’est pendant ce combat que l’essentiel du film de Jacques Ouaniche se déroule à coups de flash-back, Victor se remémorant round après round son incroyable parcours de petit "Juif arabe" tunisien qui a connu une incroyable ascension, puis une aussi rapide descente aux enfers, avant de se retrouver raflé dans la France de Vichy en 1943 et déporté dans les camps nazis.

Un boxeur professionnel dans le rôle de Victor Perez

L’histoire commence quinze ans auparavant dans un quartier populaire de Tunis, où Victor est repéré par un organisateur de combats parisien. Grâce à lui, il va traverser la Méditerranée et entamer une brillante carrière professionnelle. Malgré quelques déconvenues, comme ce titre européen remporté sur le ring et perdu sur le tapis vert puisque – pour l’occasion – la Tunisie colonisée n’a pas été considérée comme faisant partie de la France par les bureaucrates du noble art, Victor, devenu "Young" Perez sur les affiches, finit par devenir champion du monde des poids mouches en 1931. Rançon du succès, la gloire lui monte à la tête, et il se perd dans les bras de la superbe Mireille avec laquelle il écume les boîtes de nuit. Il ne réussit pas à conserver son titre et connaîtra ensuite une carrière faite de hauts et de bas, se concluant malgré tout, alors que débute la guerre, par un palmarès des plus présentables : 91 victoires dont 27 par K.-O. pour 136 combats.

Un palmarès tout à fait réel puisqu’il s’agit là d’une histoire authentique : Victor "Young" Perez, Victor Younki de son vrai nom, a bel et bien existé et est mort en janvier 1945, quelques mois avant la reddition de l’Allemagne hitlérienne. Tellement authentique même qu’on se demande pourquoi le réalisateur, après avoir reconstitué dans un style très classique le parcours extraordinaire de son héros, a éprouvé le besoin de mêler la fiction à la réalité. En revanche, il a eu une très bonne idée en recrutant Brahim Asloum, ex-détenteur d’une couronne mondiale, pour jouer le rôle de Victor. Lui-même champion olympique chez les mi-mouches à 20 ans, l’âge où "Young" Perez obtint la ceinture de champion du monde, Asloum, qui s’est toujours considéré, il le dit lui-même, autant comme un artiste que comme un boxeur, a réussi à incarner de façon crédible un personnage qui ne pouvait que lui "parler". Il a bien fait de remettre les gants devant la caméra pour ce nouveau défi.

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Victor "Young" Perez,
de Jacques Ouaniche (sortie en
France le 20 novembre).

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