Ahmed El Sewedy : « Malgré les crises, l’Afrique reste une terre d’opportunités pour investir » 

The Africa Report a rencontré le président et directeur général de la société égyptienne Elsewedy Electric. Il croit fermement au potentiel commercial de nombreux pays africains et aux opportunités qui existent sur le continent.

Ahmed El Sewedy, PDG d’Elsewedy Electric © Elsewedi Electric

Publié le 15 juin 2022 Lecture : 6 minutes.

Fondée dans les années 1930, l’entreprise égyptienne Elsewedy Electric a aujourd’hui complètement changé de dimension et de métier : de marchand local de matériels électriques, elle est devenue productrice de fils, câbles et autres produits électriques. Elle fournit également un large éventail de services et de solutions dans le domaine de l’ingénierie, de la construction, des services numériques et des infrastructures.

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Présente sur tout le continent, elle gère notamment des installations au Ghana, au Nigeria, en Tanzanie, en Algérie, en Éthiopie, en Zambie, en Angola, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et à Madagascar. Dans son bureau du Caire, son PDG Ahmed El Sewedy évoque les aspirations des sociétés africaines dans un contexte marqué par la guerre en Ukraine et le changement climatique.

The Africa Report : Comment comptez-vous contenir les effets de la guerre en Ukraine sur vos activités commerciales ?

Ahmed El Sewedy : Cette guerre affecte nos prix, notamment en ce qui concerne la logistique et la chaîne d’approvisionnement. Mais nous avons l’habitude de gérer des cas de force majeure depuis deux ou trois décennies, nous savons absorber ce genre de choc. Sur le marché local égyptien, où nous réalisons 50 % de notre chiffre d’affaires, nous transférons le différentiel de coût sur nos clients. Par ailleurs, nous opérons dans 50 pays et exportons vers 110 destinations, c’est pourquoi je pense que la dévaluation de la livre égyptienne joue en notre faveur. Une monnaie plus faible signifie que nos produits sont proposés aux importateurs à de meilleurs prix, ce qui nous permet de rester compétitifs au niveau mondial et d’améliorer nos marges d’exportation.

Comment gérez-vous les risques sur les marchés africains, souvent menacés par des perturbations politiques et macro-économiques ?

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Nous travaillons en Afrique depuis plus de 30 ans. Y a-t-il des risques ? Oui, bien sûr, mais nous assurons presque tout avant de commencer à travailler, y compris les projets et le transport maritime. Nous sommes habitués à travailler comme ça et nous n’avons rencontré aucun problème au cours des deux dernières années. Nous avons beaucoup de projets au Burkina Faso, où le président a été remplacé [par un coup d’État militaire en janvier]. Toutefois, en ce qui concerne nos activités là-bas, rien n’a changé.

Vous travaillez partout en Afrique. Lequel des marchés du continent a le plus de potentiel, selon vous ?

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Actuellement, nos opérations en Afrique représentent 7 à 8 % de notre portefeuille total, hors Égypte – avec l’Égypte, on atteint 60 %. Il y a tellement de pays africains avec un gros potentiel industriel, je pense à la Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Ghana, au Kenya, au Nigeria et à l’Angola. Mais l’un des meilleurs endroits pour l’avenir de l’industrie, c’est la Tanzanie. C’est un grand centre régional, d’où nous pouvons approvisionner huit autres pays situés autour.

Comment se développent vos opérations en Tanzanie depuis l’ouverture de votre complexe industriel l’année dernière ?

La première phase du complexe industriel d’Elsewedy est déjà opérationnelle, après 35 millions de dollars d’investissements. À la fin de cette phase, on en sera à 50 millions de dollars. Quand le projet sera terminé, il créera 1 000 emplois. Dans quelques mois, une usine de fabrication de transformateurs commencera à tourner, avec une capacité de production annuelle de 1 500 unités. Le complexe produira également 15 000 tonnes de fil de cuivre et 100 000 compteurs électriques par an. Avec la fabrication de conducteurs et d’isolants, l’objectif du projet est de faire de la Tanzanie un centre de production et d’exportation.

Avec la COP27 qui se tiendra pour la première fois en Afrique, à Sharm el-Sheikh en Égypte en novembre prochain, le développement des énergies renouvelables sur le continent va s’accélérer. Avez-vous anticipé cette demande ?

Le développement durable sera la chose la plus importante de ces 100 prochaines années. La COP27 représente une excellente opportunité pour Elsewedy Electric. Nous avons installé des bornes de recharge pour les bus et les voitures électriques à Sharm El-Sheikh (qui doit devenir la première ville verte d’Égypte). Nous avons également commencé à construire des stations de recharge pour bus, avec la General Nile Company for Construction and Roads [entreprise publique]. Le projet-pilote sera lancé le 30 septembre, et pourra héberger 140 bus. Actuellement, on étudie des projets d’énergie renouvelable dans 10 pays, pour un total de 1,5 milliard de dollars. Trois de ces projets devraient démarrer en 2022 mais pour l’instant, rien n’est concret, nous n’avons pas encore de budget, mais je me réjouirais de toute opportunité présentée par la COP27.

Elsewedy Electric a enregistré un bénéfice net de 186,7 millions de dollars au cours de l’exercice 2021, soit une augmentation de 16,7 % en glissement annuel. Les bénéfices du premier trimestre 2022 ont également augmenté de 9 %. La guerre en Ukraine aura-t-elle un impact sur votre rentabilité ?

Nous avons deux ans de projets devant nous, ce qui fait que je suis très optimiste. Je pense que nous ne serons pas touchés tant que ça. Cela peut affecter les marges, mais à part ça, je suis très confiant quant à nos performances pour cette année et la suivante.

Le gouvernement égyptien cherche à faciliter les affaires. Ces efforts ont-ils stimulé vos activités locales ?

Le président et le gouvernement égyptiens s’efforcent d’attirer les investissements étrangers directs dans tous les secteurs et de stimuler les exportations. Ils nous accordent des privilèges fiscaux et facilitent les autorisations nécessaires. Tout cela fera une grande différence au cours des deux prochaines années.

Pourquoi parlez-vous spécifiquement de ces deux prochaines années ?

Parce que les coûts en Europe ont augmenté de façon spectaculaire et que la disponibilité de la main-d’œuvre y diminue chaque jour. Les investisseurs égyptiens peuvent fournir une main-d’œuvre pendant le statu quo en Europe qui devrait persister dans les deux ans à venir.

Parlons de votre projet de ville, Sokhna 360. Dans quelle mesure sera-t-elle différente de projets similaires ? Quel est l’état d’avancement des travaux ?

Ce projet situé dans la zone économique du canal de Suez (SCZone) devrait combiner des unités de production, des centres d’enseignement, des logements et des installations de loisirs. La SCZone a déjà approuvé le plan directeur du projet mais doit encore approuver l’étude d’impact environnemental. L’emplacement de Sokhna 360 près du canal de Suez et du port de Sokhna nous donnera la possibilité d’expédier des produits vers le Golfe en une journée. D’une manière générale, le coût de production en Égypte nous donne l’avantage, en plus de la situation géographique du pays qui permet d’atteindre l’Europe en trois jours. Nos expéditions vers les pays du Golfe et de la Ligue arabe sont exemptes de taxes grâce à la Grande zone arabe de libre-échange (GAFTA) et il en va de même pour l’Afrique grâce à l’accord du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (Comesa).

La construction de la phase 1 de Sokhna 360 est déjà en cours, et notre usine phare, The Pivot Irrigation Factory, devrait ouvrir d’ici la fin de 2022. La superficie totale de la phase 1 s’étend sur 3,7 millions de mètres carrés et devrait être terminée à la fin de 2025 : elle comprend le centre administratif et commercial de la zone industrielle, le portail principal, les travaux de nivellement et l’aménagement paysager de base, les routes menant à l’entrée et l’infrastructure utilitaire de l’usine.

Elsewedy Electric envisage-t-elle de développer un portefeuille de solutions numériques ?

La numérisation de l’Égypte a été très rapide au cours des quatre dernières années, dépassant ce qui a été réalisé à cet égard au cours des 50 dernières années. Le passage au numérique est l’avenir à 100 %, et nous voulons en faire partie en rendant nos opérations dans différents secteurs plus intelligentes qu’auparavant. Nous travaillons déjà avec de nombreuses entreprises égyptiennes dans ce sens.

Elsewedy Electric est déjà cotée à la Bourse égyptienne (EGX). Existe-t-il des projets de double cotation ou de lancement d’une offre publique initiale pour l’une des filiales d’Elsewedy Electric ?

Nous étudions actuellement d’autres marchés pour la possibilité d’une double cotation pour Elsewedy Electric, mais nous n’avons pas l’intention de coter l’une de nos filiales à l’EGX pour le moment.

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