Mauritanie : maintenant ou jamais !
Fatima M’Baye est présidente de l’Association mauritanienne des droits de l’homme.
Mauritanie : Aziz au banc d’essai
Lors de la campagne présidentielle de 2009, le candidat Mohamed Ould Abdelaziz s’était présenté comme le "président des pauvres". Une fois élu, le chef de l’État a organisé comme promis des rencontres avec le peuple, à Nouakchott, Atar et Néma. Les jeunes et les femmes, qui constituent une grande partie de son électorat, s’y sont rassemblés massivement. Ils nourrissaient beaucoup d’espoir.
Les premiers représentent près de la moitié de la population mauritanienne. Beaucoup ont fini leurs études, mais sont encore au chômage. Nombre de nos jeunes cadres diplômés sont rentrés au pays au moment de l’élection de Mohamed Ould Abdelaziz, car il leur avait promis l’accès à l’emploi. Mais ce qui a été entrepris est resté en deçà de leurs aspirations. Cette jeunesse répond pourtant aux critères exigés pour être recruté. Il y a certes un problème d’offre, mais aussi de népotisme. Pour pallier cela, l’État aurait pu insister sur l’accès au crédit, afin que les jeunes se lancent dans l’entrepreneuriat, comme c’est le cas au Maroc, par exemple. Hélas, en Mauritanie, la jeunesse est laissée pour compte. Elle n’a pas voix au chapitre.
En Mauritanie, trop de petites filles et de femmes sont violées et tuées. Et les autorités restent impuissantes.
L’État n’a pas non plus pris à bras-le-corps le problème des violences faites aux femmes. Il faut adopter une loi pour punir ces crimes, à commencer par le viol. Nous sommes en 2013 et nous nous battons encore pour que le troisième objectif du Millénaire pour le développement ("Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes") soit appliqué. En Mauritanie, trop de petites filles et de femmes sont violées et tuées. Et les autorités restent impuissantes. La police de proximité n’est là que pour protéger les chauffeurs de taxi. La police judiciaire n’a pas les moyens d’enquêter. Si tous les commissariats avaient été alertés lorsque la petite Kadji Touré a disparu, on aurait pu la retrouver vivante. Mais personne n’a bougé. Et lorsqu’on a découvert le cadavre de cette fillette de 6 ans, il était trop tard.
Les jeunes filles ne peuvent plus sortir le soir quand leur famille n’a pas de véhicule. L’État avait pourtant promis à la population de mettre à sa disposition des transports en commun. Tout avait bien commencé, des lignes avaient été délimitées et des stations créées. Mais l’effort n’a pas été poursuivi, et aucun bus ne roule à Nouakchott. Nous venons de fêter nos 53 ans et je trouve cette absence de développement très regrettable.
>> Lire aussi : Sur le chemin de la parité
Avant d’engager des réformes, l’État doit gagner la confiance de la population, rétablir la justice sociale. Mettre en place un service public adéquat et efficace pour répondre aux besoins des Mauritaniens. Ces derniers ne veulent plus de discours mais des actes concrets : l’eau potable dans tous les foyers, des logements sociaux et que Nouakchott soit entièrement éclairé et assaini.
Les mentalités ont changé. On n’a plus les mêmes attentes, ni les mêmes ambitions. Plus personne n’accepte de vendre sa voix chez les citoyens. Certes, l’État a distribué du poisson, de la farine, des dattes, mais ceux qui vivent dans les quartiers les plus précaires aspirent à autre chose. Certes, des boutiques ont été créées dans le cadre du projet Emel, offrant un accès aux denrées de première nécessité, et c’est une bonne initiative. Mais il manque des organes de contrôle pour vérifier que les produits sont de qualité et qu’ils sont effectivement distribués à la population.
La corruption entre dans les moeurs des Mauritaniens et gangrène notre société. C’est extrêmement grave, d’autant que notre religion l’interdit. La lutte contre la corruption est menée, mais elle concerne des dossiers qui sont loin des préoccupations des Mauritaniens. Là encore, des organes de contrôle doivent être créés.
Enfin, pour travailler dans de bonnes conditions, le pouvoir doit discuter à coeur ouvert avec l’opposition. Il faudrait que la société civile participe également à ce dialogue, sinon chacun continuera de se regarder en chien de faïence. C’est maintenant ou jamais.
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