Mauritanie : la diplomatie sur un fil

Entre la délicate question du Sahara occidental et la crise sahélienne, difficile pour la Mauritanie de préserver l’équilibre dans les relations avec Rabat et Alger.

Ramtane Lamamra, ministre algérien des Affaires étrangères, reçu par Mohamed Ould Abdelaziz. © AMI

Ramtane Lamamra, ministre algérien des Affaires étrangères, reçu par Mohamed Ould Abdelaziz. © AMI

Publié le 28 novembre 2013 Lecture : 3 minutes.

Mauritanie : Aziz au banc d’essai
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Mauritanie : Aziz au banc d’essai

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En quittant la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) en 1999, la Mauritanie avait renoncé à son statut de trait d’union entre le monde arabe et l’Afrique subsaharienne, statut hérité du père de la nation, Moktar Ould Daddah. Mais le choix d’une appartenance exclusive à l’organisation fantôme qu’est l’Union du Maghreb arabe (UMA) a fait entrer sa politique régionale dans un terrain miné depuis plus de trente ans par la question du Sahara occidental. Cette option stratégique a imposé à la diplomatie mauritanienne de jouer les funambules entre les enfants terribles du Maghreb, l’Algérie et le Maroc, ce qui requiert une vigilance de tous les instants. "Nous surveillons les états d’âme d’Alger et les humeurs de Rabat comme le lait sur le feu, assure un diplomate mauritanien à la retraite. Mais nous aussi avons la souveraineté susceptible."

Grossièrement résumée, la diplomatie des gouvernements mauritaniens successifs s’en est tenue à un non-alignement prudent, mais constant, à l’égard des deux grands voisins du nord. À tel point que les commissions mixtes avec chacun d’entre eux se tiennent toujours à des dates rapprochées. Ainsi, le Premier ministre algérien Abdelmalek Sellal s’est rendu à Nouakchott en mars 2013 pour présider la commission algéro-mauritanienne avec son homologue Moulay Ould Mohamed Laghdaf. Lequel, un mois plus tard, accueillait le chef du gouvernement marocain, Abdelilah Benkirane, pour présider la commission maroco-mauritanienne. De même, alors que les Algériens s’apprêtent à construire une route de 1 000 km entre Tindouf l’algérienne et Choum la mauritanienne, les Marocains offrent de leur côté un nouveau siège au ministère des Affaires étrangères mauritanien.

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Pas d’ambassade de la RASD à Nouakchott

Ce souci d’équilibre ne signifie pas pour autant que Nouakchott accepte que l’on marche sur ses ­platebandes. Et Mohamed Ould Abdelaziz sait montrer sa mauvaise humeur. En décembre 2012, il a reçu le chef de la diplomatie du Polisario, alors qu’un ministre d’État marocain, Abdellah Baha, le bras droit de Benkirane, qui se trouvait au même moment à Nouakchott pour le congrès du parti islamiste Tawassoul, n’a pas été convié au palais présidentiel. Crise de nerfs au Maroc.

Aziz donne-t-il du crédit aux rumeurs qui accusent les services marocains d’être derrière la tentative d’assassinat qui l’a ciblé le 13 octobre 2012 ? "Pas du tout, explique notre diplomate à la retraite. Le président Ould Abdelaziz était convalescent, et le roi du Maroc avait dépêché un sous-chef de bureau de son ambassade à Paris pour prendre de ses nouvelles. Le Polisario a en revanche envoyé son chef de la diplomatie, Mohamed Salem Ould Salek… Même si nous ne reconnaissons pas la RASD [République arabe sahraouie démocratique], la différence saute aux yeux." Simple courroux protocolaire ? Rien n’est moins sûr. Le président Ould Abdelaziz récidivait, le 18 septembre dernier, en recevant à nouveau le ministre des Affaires étrangères sahraoui quelques heures avant de s’envoler pour Bamako afin d’assister à l’investiture du président Ibrahim Boubacar Keita, aux côtés de… Mohammed VI. Il est cependant peu probable que la diplomatie mauritanienne ait décidé d’évoluer sur la question du Sahara occidental au détriment du Maroc. Cela relève plus du coup de semonce que d’une charge d’artillerie. La présence d’une ambassade de la RASD à Nouakchott n’est pas pour demain.

Ambassade non grata

Le 16 janvier 2009, au lendemain de l’opération Plomb durci menée par les Israéliens sur la bande de Gaza, Nouakchott avait gelé ses relations diplomatiques avec Tel-Aviv, établies en 1999 par Maaouiya Ould Taya malgré la levée de boucliers de la classe politique mauritanienne et de la majorité des pays arabes. Moins de deux mois plus tard, le président Mohamed Ould Abdelaziz donnait 48 heures à l’ambassadeur et à son personnel pour quitter le pays. L’ambassade d’Israël en Mauritanie a donc fermé ses portes le 6 mars 2009. Elle ne les a jamais rouvertes depuis. Justine Spiegel

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