France – Gabon : Géraldine Robert, grande dame du basket
À 33 ans, la Franco-Gabonaise Géraldine Robert est l’une des toutes meilleures joueuses de basket en France. Mais son engagement la pousse aujourd’hui vers le terrain social, en Afrique.
Il y a un mystère Géraldine Robert. Élue meilleure joueuse de la Ligue féminine de basketball (LFB) pour l’année 2012-2013, cette athlète n’a jamais été sélectionnée en équipe de France. Et quand la question vient sur le tapis, la réponse reste diplomatique mais dissimule mal une certaine aigreur : « J’ai joué trois matchs amicaux en équipe de France, jamais de match officiel. Je respecte le choix du coach, mais je ne le comprends pas. Il ne m’a pas donné ma chance. Pour le reste, je ne peux pas répondre à sa place… » Son mentor, le Sénégalais Abdou Ndiaye, actuellement entraîneur à Lille : « Le sélectionneur a ses raisons… Le jeu de Géraldine est assez atypique. Mais ne l’avoir jamais vu évoluer en équipe de France, je le déplore avec beaucoup de vigueur. »
Quoi qu’il en soit, la jeune Franco-Gabonaise semble s’être fait une raison. Avec une moue fillette, elle ajoute : « Si l’on devait m’appeler aujourd’hui, je ne sais pas si j’irais. Ma vie personnelle a souvent pris le dessus sur ma vie professionnelle. » Ceci explique peut-être cela : elle n’est pas née avec une grosse balle orange entre les pognes. Son père, français, travaillait pour la Compagnie forestière du Gabon (CFG), et elle a vu le jour à Port-Gentil, le 26 juin 1980. Dans la cité CFG, où elle grandit, il y a certes beaucoup de terrains de basket, mais… « Je n’ai commencé que plus tard, vers l’âge de 14 ou 15 ans, pour m’amuser, dit-elle. Avant, j’étais vraiment un garçon manqué, j’adorais les jeux de billes, le vélo tout-terrain, et je faisais un nombre incroyable de bêtises… » Exemple ? S’enfuir dans les marécages alentour sur un petit radeau de fortune. « J’ai eu une très belle enfance. Mes parents m’ont inculqué des valeurs pour lesquelles je ne les remercierai jamais assez. Ils ont tout fait pour que je garde les pieds sur terre et que je grandisse dans la simplicité. » Ses vacances en famille dans le Jura (France), à côté de Dole, comptent parmi ses plus beaux souvenirs. Élève moyenne à l’école, elle a « la fibre sportive », se met à la danse classique, puis a l’athlétisme – où elle brille.
Au Gabon comme ailleurs, les années 1990 sont les années Jordan, celles de la Dream Team. « Le basket était très médiatisé et tous les garçons de ma cité s’y sont mis, se souvient-elle. Un coach m’a dit que j’avais des attitudes et des aptitudes de basketteuse… » Bientôt, le simple intérêt va devenir passion. « Je n’aspirais pas à devenir professionnelle. Pour moi, c’était un jeu et ça le reste encore. Je prends toujours énormément de plaisir à jouer ! » Elle pratique d’abord au sein du club du collège Raponda-Walker, puis pour le club de Mba Bekelé et enfin pour le Club de la balle orange (CBO).
« Je n’aspirais pas à devenir professionnelle. Pour moi, c’était un jeu
et ça le reste encore », déclare l’athlète. © Camille Millerand pour J.A.
Mais à l’âge de 18 ans, elle est envoyée par ses parents faire des études en Europe, du côté de Besançon. « Ça s’est bien passé, j’ai retrouvé des amis et de la famille, ce n’est pas comme si j’avais quitté le Gabon directement. » Elle continue sur sa lancée et joue en Nationale 1 au Besançon Basket Club. L’année de ses 19 ans, sa meilleure amie lui demande de l’accompagner à Londres et, malgré les réticences initiales de ses parents, elle traverse la Manche pour entamer des études d’analyste programmeur qu’elle ne terminera pas. Elle donne naissance à un garçon en 2000 et continue de fréquenter les terrains, pour le plaisir. Bien entendu, elle se fait remarquer et finit par intégrer le London Sting, puis les Rhondda Rebels. C’est d’affronter « l’une des meilleures joueuses françaises », Cathy Melain, qui lui offrira son billet retour pour la France. D’abord au RC Strasbourg, puis à Villeneuve-d’Ascq (ESBA). L’équipe est alors emmenée par le coach sénégalais Abdou Ndiaye. « L’alchimie s’est faite, et Abdou Ndiaye est devenu mon mentor. » Pour le double champion d’Afrique, « Géraldine est une joueuse dynamique, courageuse, énergique, qui a le sens du rebond. C’est aussi une personne au grand coeur qui a toujours l’esprit d’équipe et cherche sans cesse à cimenter les relations entre ses coéquipiers ».
Après un détour par l’Italie et la Pologne, elle évolue aujourd’hui à Montpellier. Mais, à 33 ans, elle prépare déjà son « après-basket ». Ce sera au Gabon, et dans l’action sociale bénévole auprès des jeunes, avec son association Yemaly, créée en 2011, parce que « le basket c’est bien, mais l’école c’est encore mieux ». Inutile de l’emmener sur un autre terrain, elle ne parlera pas politique. Ou très peu. « Je suis apolitique ! se récrie-t-elle lorsqu’on lui demande son point de vue. Je sais ce que fait le président pour le sport. Les choses sont en train de bouger, et j’espère qu’il va continuer, même si le chantier est long… » L’équipe de France n’a pas voulu d’elle ? Tant pis. Peut-être que le basketball féminin gabonais aura, lui, besoin des 184 centimètres de cette « grande dame », comme le dit Abdou Ndiaye.
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