Burkina Faso : à Ouaga, le bal des présidentiables
Compagnons de route, opposants… Chacun a sa carte à jouer si Blaise Compaoré décide de ne pas se représenter en 2015.
Élections : Partira ? Partira pas ?
Le changement dans la continuité ?
Le frère cadet du président et son conseiller le plus influent n’a qu’une idée en tête : faire réélire Blaise, qui, selon lui, "n’a pas fini sa mission à la tête du pays". Il fait ainsi partie de ceux qui défendent avec le plus de vigueur la modification de l’article 37. Mais celui qui est surnommé le "petit président" par la presse et qui fait figure de directeur de cabinet bis à la présidence n’exclut pas d’être le candidat du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) si jamais Blaise décidait de passer la main. Il pourrait représenter selon lui "le changement dans la continuité".
20px;" alt="" src="https://www.jeuneafrique.com/photos/112013/020112013112309000000JA2758p032_2.jpg" />Selon plusieurs sources, c’est un homme de dossiers efficace qui jouit de l’entière confiance de Blaise. Économiste de formation et ardent défenseur de la révolution puis de la rectification, ce père de quatre enfants âgé de 59 ans et marié à la fille d’Alizéta Ouedraogo, la présidente de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI), a rejoint son frère dès sa prise de pouvoir en 1987. Pour Blaise, il représente le candidat idéal.
Problème : l’idée qu’il puisse être candidat ne passe pas auprès de l’opinion. D’abord parce que son nom est à jamais lié à l’affaire Zongo (du nom de ce journaliste assassiné en 1998), même si la justice l’a blanchi. Ensuite parce que, comme le résume un opposant, "une succession dynastique serait inacceptable pour les Burkinabè". Au sein même du CDP, où il a placé un grand nombre de fidèles à des postes clés l’année dernière, sa possible candidature pourrait provoquer une levée de boucliers, voire la scission du parti. "On est nombreux à s’y opposer. Un clan ne peut pas s’accaparer un pays", indique un cadre.
Populaire et consensuel
À première vue, Roch Marc Christian Kaboré (56 ans) n’est plus dans les petits papiers de Compaoré. Compagnon des premières heures de la révolution puis de la rectification, Premier ministre dans les années 1990, cet économiste a été l’homme fort du président durant la dernière décennie, au cours de laquelle il a cumulé la présidence de l’Assemblée nationale et la direction du CDP, avant de tout perdre en quelques mois. Débarqué de la direction du parti en mars 2012 (et placardisé depuis) au prétexte que la base voulait du sang neuf, il a quitté le perchoir en décembre et n’est même plus député. Depuis, il se terre dans le silence. Disgrâce ? Oui, mais comme le fait remarquer un cadre du parti, "ce ne serait pas la première fois que Compaoré se passe quelque temps d’un compagnon pour le remettre en selle ensuite".
De fait, Kaboré, qui ne manque pas d’atouts (à commencer par la noblesse de sa famille et son carnet d’adresses international), n’a pas perdu l’espoir d’être de la bataille en 2015. En coulisses, il consulte. Si sa famille lui enjoint de ne pas bouger, certains de ses proches le poussent à créer son propre parti en compagnie des autres barons mis à l’écart (Salif Diallo, Simon Compaoré). Il ne l’exclut pas (notamment si François Compaoré est désigné comme le candidat du CDP), mais il préfère attendre. Par prudence : on ne s’affranchit pas si facilement de Compaoré. Par calcul aussi : Kaboré sait qu’il a encore une chance d’être investi par le CDP, où il a conservé de nombreux partisans. "Les récents événements jouent en sa faveur", juge son entourage. Si la tension montait d’un cran avec l’opposition, Compaoré pourrait en effet rappeler cet homme de consensus qui jouit d’une bonne cote de popularité dans le pays et auprès de l’opposition.
L’homme qui a rompu
Zéphirin Diabré ? "Depuis qu’il a pris la tête de l’opposition [en décembre 2012], il a fait un sans-faute", juge un diplomate français. Non seulement il a réussi à mobiliser dans la rue comme jamais depuis 1999, quand il s’est agi, en juin et en juillet, de fustiger la création du Sénat, mais, surtout, il s’est imposé en quelques mois comme le leader incontesté de l’opposition, y compris aux yeux des plus radicaux. Le marxiste Arba Diallo s’est ainsi rapproché de ce libéral pur sucre, qui se revendique comme tel.
Diabré (54 ans), qui a ses entrées dans l’Église catholique et qui dispose de réseaux à l’international depuis qu’il a officié au Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) et chez Areva, a également réussi à séduire les mouvements de la société civile. "Il est très structuré, très fin, et il manoeuvre bien", glisse un autre diplomate admiratif. Seuls les syndicats, qui n’ont pas oublié qu’il a été un ministre (des Finances notamment) de Compaoré dans les années 1990 et qui le voient encore comme "un homme du système", s’en méfient.
Peut-il pour autant l’emporter en 2015 ? "Si Blaise ne se présente pas, il aura ses chances", glisse un proche. Il pourrait même attirer des cadres mécontents du CDP, son ancien parti, au sein duquel il a gardé quelques amitiés. Mais l’Union pour le progrès et le changement (UPC), qu’il dirige et qu’il a créée en 2010, est jeune et ne pèse pour l’heure que 19 députés et 12 % des suffrages. Et déjà, certains, dans le camp du pouvoir comme dans celui de l’opposition, rappellent que c’est un Bissa, une ethnie minoritaire au Burkina.
Assurance tous risques
Depuis sa prise du pouvoir, en 1966, l’armée n’a jamais quitté la scène politique. Acceptera-t-elle de passer la main à un civil ? Si tel n’était pas le cas, le général Gilbert Diendéré pourrait être l’homme de la situation. Certes, nombre d’officiers s’en méfient tant il est vrai qu’il leur fait de l’ombre depuis plusieurs années.
Mais celui que certains comparent à "la mémoire" d’un régime dont il connaît tous les secrets dispose d’un atout majeur : la confiance de Compaoré, qu’il seconde depuis trente ans (il était déjà son bras droit lors du coup d’État de 1983, puis lors de l’assassinat de Thomas Sankara, en 1987). Soupçonné dans les années 1990 d’avoir des vues sur la présidence, il a maintes fois démontré sa loyauté. En 2011, quand Compaoré a modifié toute la chaîne de commandement de l’armée, ce Mossi fut le seul à conserver son poste en dépit du fait que certains de ses hommes s’étaient eux aussi mutinés. Intouchable ? Un proche du président l’admet : "Je ne vois que François [Compaoré] ou Gilbert pour succéder à Blaise. Ils sont les seuls en qui il a une confiance totale."
Officiellement, Diendéré est le chef d’état-major particulier du président. Dans les faits, il est bien plus que cela : il est le commandant du Régiment de la sécurité présidentielle (RSP), une armée dans l’armée, le chef des services de renseignements et, en définitive, le véritable patron de l’armée.
Discret, cet homme de 54 ans ne cherche pas la publicité, et ceux qui le connaissent ont du mal à l’imaginer se lancer en politique – ce à quoi il s’est toujours refusé, contrairement à son épouse, Fatou, une cadre du CDP. Mais s’il en va de la survie du régime…
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Crédit photo : Ahmed ouoba/AFP ; Virginie Lefour/AFP ; Yempabou/AFP ; Romaric Ollo Hien/AFP
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