RDC-Rwanda : et si la réélection de Tshisekedi dépendait du M23 ?

L’avenir politique du président congolais pourrait se jouer sur le front opposant son armée aux rebelles du M23, qu’il estime soutenus par Kigali. Une victoire ferait certainement grimper sa cote de popularité.

Félix Tshisekedi au palais de la Nation, à Kinshasa, en février 2022 President of Democratic Republic of Congo Felix Tshisekedi looks on during the visit of the Turkish President at the Palais de la Nation (Palace of the Nation), in Gombe, Lukunga district of Kinshasa, on February 20, 2022 © ARSENE MPIANA/AFP

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  • Roger-Claude Liwanga

    Chercheur à l’université Harvard, professeur de droit et de négociations internationales à l’université Emory.

Publié le 17 juin 2022 Lecture : 3 minutes.

On l’avait un peu trop vite donnée pour détruite, en 2013. La rébellion du M23 a fait sa réapparition et occupe désormais tous les débats en RDC, plus singulièrement encore en cette période pré-électorale, car la question sécuritaire s’imposera encore comme l’un des thèmes majeurs de la campagne. Une situation qui contraint le président Félix Tshisekedi à se poser à la fois en chef des armées prêt à affronter les rebelles que l’on dit soutenus par le Rwanda – ce que Kigali dément – et en président-candidat à un nouveau mandat qui doit défendre son bilan tant socio-économique que politico-sécuritaire.

Si la condamnation du soutien rwandais au M23 est unanime au sein de la classe politique congolaise, les adversaires de Tshisekedi lui reprochent son rapprochement et ses  relations jugées trop amicales avec « l’agresseur » Paul Kagame.

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Les limites de la « diplomatie amicale »

Tout semble désormais se jouer à quitte ou double pour le chef de l’État congolais. La résurrection de M23 l’entraîne, lui le commandant suprême des forces armées, sur un nouveau front. Lors de son avènement au pouvoir, en 2019, il avait promis de mettre fin aux exactions des multiples groupes armés qui ravagent l’Est du pays. Et deux ans plus tard, afin d’accroître les capacités de l’armée nationale à les neutraliser, il avait proclamé l’état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, où persiste l’insécurité.

La recrudescence des activités militaires et des atrocités perpétrées par le M23 complique donc singulièrement l’équation sécuritaire pour lui. À en croire les spécialistes, le M23 serait mieux équipé que la plupart des groupes armés auxquels le Congo livre bataille dans la région. Pour preuve, les rebelles contrôlent actuellement la ville stratégique de Bunagana, dont l’armée nationale s’est retirée.

Par ailleurs, le retour du M23 fragiliserait le président Tshisekedi parce qu’il expose au grand jour les limites de la « diplomatie amicale » qu’il a entrepris de mener auprès du régime rwandais, malgré la méfiance de l’opinion publique et de la classe politique congolaise. Se sentant « trahi » par Kagame, Tshisekedi s’est justifié en déclarant qu’il avait toujours préféré « construire des ponts » avec le Rwanda à la faveur de relations paisibles plutôt que « construire des murs ».

Opportunité politique ?

Malgré tous les désagréments qu’elle cause et que nul ne saurait nier, rien ne dit que la résurgence du M23 ne se traduira pas en opportunité politique pour Tshisekedi. Parce que les Congolais dans leur immense majorité désapprouve l’attitude jugée humiliante et hégémonique de Paul Kagame, une victoire de l’armée congolaise sur le M23 ferait grimper la cote de popularité du président auprès d’une population déterminée à en découdre avec le Rwanda.

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Rien de tel qu’une victoire de l’armée pour galvaniser les électeurs et faire oublier les modestes résultats enregistrés au cours du quinquennat. Comme chacun sait, les crises internationales majeures renforcent souvent la cohésion nationale, laquelle peut se traduire, en période électorale,  par un soutien accru au président, au mépris de ses éventuelles défaillances.

Théorie du complot

Une hypothèse qui n’en est pas qu’une aux yeux des adeptes de la théorie du complot, convaincus que la réapparition soudaine du M23 résulte d’un arrangement secret entre Kagame et Tshisekedi visant à permettre à ce dernier de remporter une victoire face au M23 pour regagner la sympathie des électeurs indécis de l’Est du pays.

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Leur argumentaire ? Kagame n’aurait aucun intérêt à sacrifier les accords économiques « juteux » signés sous Tshisekedi en aidant le M23. Un peu facile. Car, qu’est-ce qui empêcherait le président rwandais – qui mène une « guerre hybride » en RDC depuis des années – d’ignorer tout simplement les accords miniers conclus avec Kinshasa, sachant qu’il peut obtenir toutes ces matières premières sans contrepartie en s’abritant derrière le M23 ?

Il apparaît de plus en plus évident que Félix Tshisekedi pourrait, grâce à une victoire militaire sur le M23, convertir le fardeau de la persistance de la violence à l’Est du pays en un avantage politique dans la perspective des élections de 2023. Mais, saura-t-il le faire ? Il est encore tôt pour le confirmer.

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