Quai d’Orsay ou nid de faucons ?

FRANCOIS-SOUDAN_2024

Publié le 18 novembre 2013 Lecture : 3 minutes.

Qui a dit qu’en dehors de l’Afrique la voix de la France était inaudible dans le grand théâtre des relations internationales ? Dimanche 10 novembre, campé sur son droit de veto aux Nations unies et sur l’impossibilité de lever des sanctions importantes sans unanimité européenne, le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius a fait capoter à lui tout seul le premier round des négociations de Genève sur le nucléaire iranien. Son intransigeance a été aussitôt saluée par Benyamin Netanyahou et les néoconservateurs américains, pourtant idéologiquement aux antipodes des socialistes français et – beaucoup plus discrètement – par les ultras de Téhéran, bref par un attelage improbable uni dans la même crainte de voir aboutir des pourparlers perçus par eux (et pour des raisons diamétralement opposées) comme un jeu de dupes. La posture, on serait tenté de dire l’exploit, de M. Fabius a en revanche été ressentie comme un mauvais coup du côté du tandem Obama-Kerry, qui discutait en tête à tête depuis des semaines avec Téhéran, en même temps qu’elle fragilise le couple formé par le nouveau président iranien Rohani et son chef de la diplomatie Zarif, deux modérés qui jouent une grande part de leur crédibilité sur la levée des sanctions.

Pour justifier ce résultat paradoxal, l’entourage de Laurent Fabius a volontiers recours au jésuitisme, laissant entendre qu’il existe, entre la France et les États-Unis, un partage des tâches du style bad cop, good cop et que le but de la manoeuvre est de prévenir une attaque militaire israélienne sur les sites nucléaires iraniens. Même si bloquer des négociations au moment où l’Agence internationale de l’énergie atomique conclut enfin une feuille de route commune avec Téhéran sur l’inspection desdits sites (y compris celui, ultrasensible, d’Arak) peut paraître incompréhensible, on aimerait y croire. L’issue du nouveau round de négociations, prévu pour les 21 et 22 novembre, dira ce que l’attitude française a en définitive favorisé : un accord de fond avec l’Iran, ou la probabilité d’une confrontation armée.

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En dix ans, depuis le "non" à l’invasion de l’Irak jusqu’au "oui" au bombardement de la Syrie, la politique moyen-orientale de la France a opéré un virage surprenant. Difficile de démêler, dans le dernier développement de cette posture, ce qui relève de la conviction, de la volonté de faire payer l’humiliation subie le 31 août dernier – quand, suite au revirement de Barack Obama, il fallut ordonner aux Rafale prêts à décoller pour Damas de rester sur le tarmac – et de l’influence extérieure. Sur ce dernier point, les pressions de l’Arabie saoudite, adversaire historique du régime des mollahs, avec qui Paris a conclu fin août un contrat militaire de plus de 1 milliard d’euros, n’ont sans doute pas été négligeables. Tout comme celles exercées par Israël : la campagne quasi hystérique menée contre la conclusion d’un deal avec Téhéran par Benyamin Netanyahou, dont François Hollande devait être l’hôte les 17 et 18 novembre, s’est fait ressentir jusque sous les lambris du Quai d’Orsay et de l’Élysée. Certes, la menace nucléaire iranienne existe. Mais si la France souhaite s’ériger en gardienne inflexible et impartiale des règles de non-dissémination, il serait bienvenu qu’elle en exige l’application de la part de tous les acteurs, à commencer par l’État hébreu. Lequel, est-il besoin de le rappeler, détient un puissant arsenal nucléaire sans avoir jamais signé le traité de non-prolifération, ni ratifié la convention sur les armes chimiques. On peut toujours rêver…

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