La romance californienne de Véronique Ovaldé

Alain Mabanckou est un écrivain franco-congolais.

Véronique Ovaldé dépeint avec justesse le monde de l’édition. © GABRIEL BOUYS / AFP

Véronique Ovaldé dépeint avec justesse le monde de l’édition. © GABRIEL BOUYS / AFP

ProfilAuteur_AlainMabanckou
  • Alain Mabanckou

    Alain Mabanckou est écrivain et professeur de littérature francophone à UCLA (États-Unis). Depuis 2016, il occupe la chaire de création artistique au Collège de France.

Publié le 23 novembre 2013 Lecture : 2 minutes.

À Santa Monica, dans les années 1980, Maria Cristina Väätonen, écrivaine désormais connue, reçoit un appel de sa mère qui lui demande de venir prendre et d’adopter l’enfant de sa soeur. Plusieurs questions se posent et dont les réponses pourraient entraîner de lourdes conséquences pour l’écrivaine. Retourner à Lapérouse, dans ce Grand Nord canadien qu’elle a quitté, échappant de ce fait à cette famille austère ? Retourner dans cette bourgade qu’elle avait laissée à l’âge de 16 ans pour poursuivre des études de lettres à UCLA ?

Le lecteur suit le cours de cette existence passée, à l’instar d’un film en noir et blanc bien mis en scène par un cinéaste de Hollywood. Débarquée à Los Angeles, elle fut confrontée à une fourmilière culturelle et psychédélique. Fringuée comme une mormone, elle fut la risée des étudiants californiens. Elle accumula les petits boulots, partagea un appartement avec une amie, Joanne, le prototype de l’Américaine plantureuse au franc-parler qui tente « de l’éduquer ». Maria Cristina deviendra la secrétaire, l’amante de Rafael Claramunt, un écrivain argentin. Depuis son enfance, Maria Cristina griffonnait dans des cahiers le fil de son existence romancée dans le Grand Nord. L’écrivain argentin deviendra son mentor. Entre éducation sentimentale et littéraire, il lui ouvrit les portes des grandes maisons d’édition.

la suite après cette publicité

La grâce des brigands se lit comme un hommage à la littérature, un regard sur la fumisterie familiale, sexuelle, et surtout une critique des moeurs du monde de l’édition, et il n’est pas étrange de pactiser parfois avec des « brigands » et de leur trouver une certaine « grâce ». La grâce ? Elle réside avant tout dans l’écriture scintillante de Véronique Ovaldé qui déroule finement le destin romantique de cette héroïne écrivaine, peignant par petites touches et avec une causticité fine le monde éditorial et ses figures caricaturales imposées : l’auteur argentin, tombeur de femmes, ne rêve que d’un Nobel ; l’éditrice hautaine perchée dans un bureau en verre de New York ; les tournées harassantes dans les avions ; les soirées arrosées au champagne.

Les descriptions très précises, loin des lieux communs touristiques, témoignent d’une connaissance approfondie de l’Amérique par cette auteure qui compte parmi les plus brillants de la nouvelle génération de la littérature française. Le résultat est remarquable : on arrive même à oublier que Véronique Ovaldé est française, et on croit lire la traduction d’une auteure américaine, mais une traduction magistrale.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires