Télévision : TV5 Monde lorgne l’Afrique

Cinq minutes de plus, en télévision, ça compte. La chaîne internationale TV5 Monde renforce son traitement de l’information alors qu’elle s’apprête à fêter ses 30 ans. Et l’Afrique est au coeur de cette évolution, chaque jour à 20 h 30 depuis le 28 octobre. Le Journal Afrique s’étire désormais sur dix-huit minutes, et la présentatrice québécoise Linda Giguère déroule une nouvelle formule enrichie de reportages et de décryptages. Avec des chroniques sociétales présentées en plateau par la Camerounaise Lise-Laure Etia.

Ancien de RFI, passé par le service web à TV5, le pétulant nouveau rédacteur en chef, Mathieu Vendrely, 40 ans, pilote la dizaine de journalistes qui compose le pôle Afrique, créé pour l’occasion dans les locaux parisiens. "Nous ne sommes pas une télé française mais francophone", insiste-t-il d’emblée. Cette chaîne internationale publique, qui compte 300 employés, est financée par quatre États francophones (France, Belgique, Canada, Suisse). "L’Afrique est essentielle pour TV5 Monde et représente une part importante de notre ADN, depuis toujours", souligne-t-il. Et d’ajouter, entre deux réunions de rédaction : "L’une de nos principales difficultés est due au manque d’images disponibles. Nous allons développer notre réseau de correspondants pour faire l’information et pas seulement la reprendre." D’autant que France Télévisions ferme sa banque d’images, AITV, spécialisée dans l’actualité africaine.

Malgré des moyens limités, la rédaction entend s’affranchir du diktat "pas d’image, pas d’info" grâce à des correspondants et faire la part belle au grand reportage. Sans négliger le web et l’inter­activité avec les téléspectateurs. Chaque dimanche, un thème est annoncé sur la page Facebook, qui compte près de 1 million de "j’aime", pour permettre aux internautes de donner leur avis et de poser des questions auxquelles répondront des spécialistes trois jours plus tard. À l’occasion de l’assassinat, dans le nord du Mali, de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon, journalistes à RFI, la question était : "Guerres, crises : informer à tout prix ?"

Une audience de plus de 90 % en Afrique centrale

TV5 jouit d’une assise confortable et d’une notoriété ancienne sur le continent où près de 12 millions de foyers la reçoivent dans 48 pays. Elle s’enorgueillit d’être la première chaîne internationale au Maghreb et d’enregistrer des scores d’audience de plus de 90 % en Afrique centrale, sa principale zone de notoriété avec l’Afrique de l’Ouest. "Nous essayons de casser la logique d’une Afrique en crise pour valoriser la créativité et le dynamisme culturel… Nous voulons mettre en pratique les valeurs humanistes qui nous animent", précise Pierre Benoit, le directeur adjoint de l’information. Cet ancien de RFI est le véritable maître à penser de cette stratégie africaine.

Selon un rapport de l’ONU, à l’horizon 2050 on comptabilisera 700 millions de francophones. "Ce qui offre des perspectives de développement très intéressantes", veut-on croire à la direction. Même si la grille de programmes de TV5 en Afrique inclut de nombreux films, documentaires, programmes sportifs et sitcoms qui font florès, la concurrence se fait de plus en plus âpre sur le créneau de l’information. Outre Africa 24, la chaîne d’information en continu France 24 a lancé son Journal de l’Afrique, qui remporte un certain succès auprès de la jeunesse et de l’élite francophone subsaharienne. "Je ne l’ai pas encore regardé et je ne veux pas entrer dans une compétition. Nous sommes complémentaires", souligne M. Venderly. "Plus que France 24, c’est bien Abu Dhabi TV et l’éventuelle création d’Al-Jazira en français qui pourraient nous embêter", conclut Pierre Benoit.