Gérard de Villiers, l’homme qui en savait trop

Parfait connaisseur du continent, l’auteur des fameux SAS, Gérard de Villiers, est mort le 31 octobre à l’âge de 83 ans.

Chez Gérard de Villier, à Paris, en septembre 2012. © Vincent Fournier pour J.A.

Chez Gérard de Villier, à Paris, en septembre 2012. © Vincent Fournier pour J.A.

Publié le 13 novembre 2013 Lecture : 3 minutes.

Un ange est passé, emportant au ciel ou en enfer l’âme damnée de Gérard de Villiers, l’auteur français le plus vendu de l’histoire. Le 31 octobre, l’encre de son 200e SAS était encore fraîche quand, à 83 ans, le sulfureux écrivain a accepté de passer la kalach à gauche. Quelques mois plus tôt, l’ex-journaliste de France Dimanche sillonnait encore les steppes afghanes en quête de nouvelles aventures érotico-guerrières pour son héros, Son Altesse Sérénissime le prince Malko, aristo autrichien contractuel de la CIA. Au ministère français de la Culture, un silence de mort a salué la disparition de l’homme aux 100 millions de ventes. Jugé trop réactionnaire, de Villiers était dénoncé comme raciste, sexiste et antisémite. En septembre 2012, l’ambigu personnage nous affirmait : "On m’a accusé de racisme, mais c’est faux, j’aime l’Afrique !"

Pour l’aventurier qui n’écrivait jamais sans se rendre sur place, le continent c’était un peu l’Afrique à papa. Dans ses Mémoires parus en 2005, Sabre au clair et pied au plancher, il se souvient : "À la maison, j’avais toujours entendu parler des colonies. […] Je pensais que la métropole avait beaucoup aidé ces pays, et, aujourd’hui, j’en suis plus que jamais convaincu. C’est surtout vrai pour l’Afrique." Et c’est au Maghreb, dans l’Algérie rebelle de 1954, qu’il situe le "vrai départ de [sa] vie professionnelle", invité à l’âge de 25 ans à couvrir une opération de la Légion française dans les Aurès. En 2011, l’octogénaire bravait encore en Libye les balles Kadhafistes, arrimé à son déambulateur sur un pick-up rebelle. Née en 1965, sa créature Malko a fait ses premières armes sur le continent dès 1967 quand, à la recherche des débris d’un satellite espion, il s’empêtre au Burundi dans un trafic de pierres précieuses.

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À l’époque, les convulsions de l’Angola déchiré et du Zaïre mobutiste aimantent de Villiers. Guêpier en Angola paraît en 1975, et il rejoindra plusieurs fois par la suite dans son maquis "un personnage extraordinaire", Jonas Savimbi, l’indépendantiste devenu rebelle au régime prosoviétique, "abattu dans une embuscade, en 2002, par ses ennemis de toujours, les hommes de dos Santos, le président de l’Angola, qui a jeté son marxisme aux orties pour s’associer avec les magnats du pétrole américain". En 1978, Panique au Zaïre ! Ayant flairé un mauvais coup, de Villiers est en position à Kinshasa quand des rebelles attaquent Kolwezi. Militaires, barbouzes, politiques, au fil de ses enquêtes, celui qui s’est toujours défini comme journaliste s’était forgé un réseau en acier. Il ne trahissait personne et tous lui faisaient confiance, lui livrant des informations de première main qu’il distillait dans ses romans. En 1980, un ami des services français lui confiait la crainte du Mossad qu’un attentat se préparait contre le président égyptien Sadate. Six mois après la parution du Complot du Caire, en 1981, le raïs était assassiné.

L’intuition de "Gédévé" faisait souvent mouche. N’écrivait-il pas en 2005, le président Laurent Gbagbo comptant encore d’importants appuis en France : "[…] connaissant parfaitement la personnalité de Laurent Gbagbo et surtout celle de son épouse, on les a laissés prendre le pouvoir alors qu’il était encore possible de le stopper." Il a fallu attendre 2011 pour que Gbagbo soit "stoppé", avec l’aide des Forces spéciales françaises. Consécration suprême, un long article du New York Times le déclarait en novembre "l’homme le mieux renseigné de la planète". Son rêve de toujours était sur le point de se réaliser : il se voyait enfin à Hollywood.

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