Affaire Snowden : qui aime bien espionne bien

Les nouvelles révélations d’Edward Snowden concernant l’interception par la NSA des communications de chefs d’État et de gouvernement de pays alliés suscitent un tollé planétaire. Les responsables américains pouvaient-ils ignorer les activités de leur centrale de renseignements ?

Keith Alexander, directeur de la NSA, tient une conférence le 30 octobre. © MARK WILSON / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Keith Alexander, directeur de la NSA, tient une conférence le 30 octobre. © MARK WILSON / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Publié le 12 novembre 2013 Lecture : 4 minutes.

Fallait-il mettre sur écoute des chefs d’État amis ou alliés ? Faut-il continuer à enregistrer les communications qu’ils passent à partir de leurs téléphones portables ? Dans le monde entier, la colère monte contre les douteuses pratiques des responsables américains. Cela amène-t-il ces derniers à remettre en question leurs méthodes de collecte de l’information ? Certes, la Maison Blanche et le Congrès ont l’une et l’autre diligenté une enquête, mais pouvaient-ils ignorer que la National Security Agency (NSA) interceptait à l’occasion ce type de communications ? Les spécialistes ont un peu de mal à y croire. Quoi qu’il en soit, les conséquences risquent d’être dévastatrices. "Après avoir défendu la NSA, les gens vont retourner leur veste et se liguer contre elle. Le climat devient délétère", déplore un ancien de l’agence.

Le scandale qui éclabousse la communauté du renseignement américain s’est aggravé ces derniers jours, après que de nouveaux documents ont été rendus publics par Edward Snowden, cet ancien analyste employé par une entreprise sous-traitante de la NSA, aujourd’hui réfugié à Moscou. Ces documents ont révélé que les États-Unis surveillaient les téléphones et les e-mails d’un certain nombre de dirigeants étrangers. Et notamment ceux d’Angela Merkel, la chancelière allemande.

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Le 29 octobre, John Boehner, le président de la Chambre des représentants, avait appelé de ses voeux une réforme en profondeur de ces procédures. "Nous devons trouver un juste équilibre, estime-t-il. Car là, clairement, nous avons exagéré." Avant lui, Dianne Feinstein, la présidente de la commission du renseignement au Sénat, avait suggéré de "revoir totalement" la manière dont la NSA recueille ses informations et fustigé "la surveillance des téléphones et des e-mails de présidents ou de Premiers ministres amis". Elle se déclare "catégoriquement opposée à ce que cette agence recueille des données sur des dirigeants de pays alliés comme la France, l’Espagne, le Mexique et l’Allemagne".

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Une réforme des lois encadrant les activités de surveillance de la NSA

Feinstein, qui a toujours soutenu sans états d’âme la collecte d’informations visant à lutter contre le terrorisme, a indiqué que la commission sénatoriale était tenue dans l’ignorance de certaines activités de la NSA depuis plus de dix ans. Le 31 octobre, sous sa houlette, un timide projet de réforme des lois encadrant les activités de surveillance des services de renseignements a été adopté. Ce texte, qui vise à accroître la transparence de ces activités sans toutefois mettre fin à la collecte de l’ensemble des données d’appels téléphoniques passés via les opérateurs américains, devra être approuvé dans les prochains mois par le Sénat et la Chambre des représentants.

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En attendant, la Maison Blanche mène deux enquêtes : l’une en interne, l’autre sous la supervision d’un groupe d’anciens responsables politiques et d’experts indépendants. Caitlin Hayden, porte-parole du Conseil de sécurité nationale, a indiqué que l’une des questions étudiées de très près était "l’attitude à adopter envers des chefs d’État". Mais certaines rumeurs selon lesquelles l’administration Obama interdirait à l’avenir de les surveiller sont démenties par un haut responsable. Il est "inexact", dit-il, de prétendre que les États-Unis vont cesser de collecter des informations sur leurs alliés. L’administration Obama a été très sensible aux reproches formulés par l’Allemagne, avec qui les États-Unis ont noué une relation étroite en matière de renseignement, confirme un autre responsable. Mais, ajoute ce dernier, il y a beaucoup de pressions pour que d’importants dispositifs de surveillance soient maintenus à l’égard d’un certain nombre de gouvernements alliés ou amis, par exemple au Moyen-Orient.

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Des chefs d’État surveillés

Alors que les activités de la NSA sont scrutées de plus en plus près à Washington, certains membres des services s’indignent de lire que l’agence a espionné des chefs d’État étrangers sans l’aval des politiques. Barack Obama, jure Feinstein, ignorait qu’Angela Merkel était sur écoute. Pourtant, un ancien de la NSA affirme que les hauts responsables de la Maison Blanche savaient pertinemment d’où venaient la plupart des informations qui alimentent le briefing quotidien du président. D’ailleurs, au mois de juin, lorsque les premiers documents divulgués par Snowden ont fuité, Obama n’a-t-il pas, de son propre chef, avoué qu’il est "le destinataire final de ce type d’informations" ?

Après s’en être violemment pris à sa réforme du système de santé, les républicains vont-ils tenter d’attaquer le président sur la manière dont il supervise les activités de la NSA ? "Évidemment, nous allons exiger qu’on nous dise ce qu’il savait exactement, et à quel moment il en a été informé", a révélé le sénateur John McCain, qui fut l’adversaire d’Obama lors de la présidentielle de novembre 2008.

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Geoff Dyer, Financial Times et Jeune Afrique

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