Salaheddine Namrouche : « Comment la France et la Russie ont-elles pu être dans le même camp en Libye ? »
L’ancien ministre de la Défense devenu commandant de la côte ouest de l’armée libyenne a reçu Jeune Afrique. Il livre sa vision de la crise sécuritaire et institutionnelle dont la Libye ne parvient pas à s’extirper depuis 2011.
Comment la Libye peut-elle sortir de l’impasse politique ? Depuis l’annulation de l’élection présidentielle – prévue le 24 décembre 2021 – aucun calendrier de report, encore moins de date butoir n’a été fixée. Aucune feuille de route n’a abouti. Résultat : c’est le scénario de la division qui ressurgit avec deux gouvernements parallèles comme l’a déjà expérimenté le pays pendant six ans (de 2014 au début de l’année 2021) au prix de deux guerres civiles meurtrières.
Cela fait maintenant quatre mois que l’ancien ministre de l’Intérieur, Fathi Bachagha, a formé un gouvernement parallèle – sans réel pouvoir –, soutenu par le maréchal Khalifa Haftar et le chef du parlement, Aguila Saleh.
Son concurrent à la tête du Gouvernement d’union nationale (GUN) de Tripoli, Abdulhamid Dabaiba, refuse quant à lui de céder la place même si son mandat arrive à échéance le 21 juin, selon le plan négocié sous l’égide l’ONU en février 2021.
Pour tenter de contourner ce duel stérile, la conseillère spéciale du secrétaire général de l’ONU pour la Libye, Stephanie Williams, a lancé un nouveau cycle de négociations, au Caire, avec des représentants du Haut conseil d’État et du parlement de Tobrouk.
Ils ont jusqu’au 19 juin pour se mettre d’accord sur l’organisation des institutions et des élections, et décider en particulier de qui a le droit de se présenter aux prochains scrutins.
Un miracle va-t-il se produire en quelques jours ? Les chances de succès sont maigres confient certains participants. Or plus l’accord tarde à venir, plus la tentation de s’imposer par les armes grandit.
Le 10 juin dernier, deux milices rivales se sont ainsi affrontées pendant plusieurs heures dans le centre-ville de Tripoli, sans faire de victime parmi les civils. Ces dernières semaines, un camp de miliciens opposés à Dabaiba s’est installé en périphérie de Tripoli révèle à Jeune Afrique le commandant de la région côtière de l’Ouest de la Libye, Salaheddine Namroush.
« D’autres affrontements sont à craindre mais pas de guerre civile » estime cet ancien ministre de la Défense du Gouvernement d’accord national (GAN), dirigé par Fayez al-Sarraj entre 2015 et 2020. L’homme se montre plutôt favorable à la tabula rasa : former un nouveau gouvernement d’intérim qui écarte les deux principaux leaders politiques. Entretien.
Jeune Afrique : Que s’est-il passé le vendredi 10 juin à Tripoli ?
Salaheddine Namroush : Il y a eu des affrontements entre Nawasi [une des principales milices de la capitale dont une partie des membres soutient Fathi Bachagha, ndlr] et les forces de Ghaniwa [milice intégrée à l’autorité de soutien à la stabilité, qui appuie Abdulhamid Dabaiba, ndlr]. Les deux groupes sont déjà à Tripoli, mais chacun a son territoire.
Or Nawasi a voulu traverser le territoire de l’autre et a déclenché des combats. On s’attend à ce que ce type d’affrontements se reproduisent car Khalifa Haftar et Aguila Saleh exercent une forte pression sur Fathi Bachagha pour qu’il prenne la tête du gouvernement. Il a d’abord tenté à plusieurs reprises d’entrer à Tripoli, et il est maintenant utilisé pour créer le chaos dans la capitale afin de rejeter la faute sur l’actuel gouvernement.
Pourquoi le gouvernement d’unité nationale n’est-il pas intervenu ?
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