Omar Bendjelloun : « Il est urgent de revoir le code de procédure pénale » au Maroc

Omar Bendjelloun est avocat au barreau de Rabat. Il revient sur les problèmes de législation auxquels le Maroc est actuellement confronté.

Omar Bendjelloun pourfend les ambiguités liberticides de la loi marocaine. © Abdelhak Senna/AFP

Omar Bendjelloun pourfend les ambiguités liberticides de la loi marocaine. © Abdelhak Senna/AFP

Publié le 20 novembre 2013 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique : Quelle est l’origine des lois pénales les plus attentatoires aux libertés : la charia, le protectorat ou l’héritage autoritaire ?

Omar Bendjelloun : Toutes ces influences ont nourri une "hypocrisie normative" qui place la société sous liberté conditionnelle. Concernant les libertés publiques, les droits d’expression, d’investigation et d’association sont garantis par la Constitution, le dahir de 1958 et le code de la presse, mais restent encadrés par des sanctions prévues par le code pénal général ou la loi antiterroriste, dont l’obscurité permet au parquet de se saisir à tout moment.

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Concernant la "liberté affective", on retrouve la même ambiguïté : les qualifications de l’"atteinte à la pudeur" ou de la "débauche" restent superficielles, soumettant les jeunes à un diktat réel de la part des autorités judiciaires. En revanche, les réseaux de proxénétisme industriel restent sans élément légal de par la non-ratification de la convention de Palerme sur la traite humaine. On l’a vu, même le détournement de mineur ou le viol peuvent relever de conciliabules arbitrés par le pouvoir judiciaire sur la base de l’article 475.

>> À lire : Ubu législateur ou le problème des lois obsolètes au Maroc

De quelle marge d’interprétation disposent réellement les juges ?

Bonaparte disait qu’"une bonne loi doit être courte et obscure" afin que le pouvoir dispose d’une marge suffisante pour orienter la justice selon ses intérêts du moment. L’article 55 du code de procédure pénale donne au ministre de la Justice le pouvoir de diriger le parquet à l’échelle nationale et de mettre en place la "politique pénale". La différence entre un État de droit et un État policier, c’est que dans le premier les magistrats disposent de la police et que dans le second c’est le contraire. Au Maroc, doté d’un système hybride, le pouvoir est entre les mains du parquet, notamment par le régime de la détention provisoire et des poursuites. Les magistrats de siège suivent.

Il faut améliorer l’assistance du détenu en garde à vue et confier la détention provisoire à un magistrat de la "liberté et de la détention" indépendant du parquet et de la cour.

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Si vous étiez ministre de la Justice, que réformeriez-vous en priorité ?

Il est urgent de revoir le code de procédure pénale pour améliorer l’assistance du détenu en garde à vue et confier la détention provisoire à un magistrat de la "liberté et de la détention" indépendant du parquet et de la cour. Pour mieux protéger les libertés publiques, les mesures privatives de liberté doivent être abrogées. La fermeté devrait être tournée vers la criminalité d’affaires. Enfin, les institutions sécuritaires doivent être placées sous contrôle politique, à l’instar du modèle américain.

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Propos recueillis par Youssef Aït Akdim

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