L’Union africaine de la foi

Fawzia Zouria

Publié le 5 novembre 2013 Lecture : 2 minutes.

Début octobre, des centaines de Tunisiens en partance pour le pèlerinage de La Mecque ont été bloqués dans les aéroports de Tunis et de Djeddah pendant plusieurs jours. Motif : visas ou passeports "non conformes". De fait, l’Arabie saoudite ayant décidé cette année de réduire de 25 % le quota de pèlerins étrangers – officiellement en raison de travaux d’aménagement des lieux saints, officieusement à cause d’un risque de propagation du coronavirus -, les Tunisiens, plus filous que malhonnêtes, ont cru trouver la parade. Ils ont intégré les quotas d’autres pays, plus précisément ceux de la Mauritanie et de la Gambie.

De Nouakchott, des centaines de visas pour l’Arabie saoudite leur sont parvenus sous forme de stickers à coller sur leur document de voyage. Banjul a carrément délivré un paquet de passeports pour l’occasion. Hélas ! La manoeuvre a échoué. À Djeddah, les douaniers saoudiens se sont gratté le keffieh en scrutant ces passeports tunisiens estampillés de visas obtenus ailleurs qu’en Tunisie. Au même moment, les douaniers tunisiens ouvraient grands les yeux devant la file de leurs compatriotes devenus gambiens en l’espace de quelques heures, tandis que se nouait un étrange échange : "Expliquez-moi comment vous avez obtenu ce passeport." "Je ne sais pas, monsieur." "Vous savez où est la Gambie ?" "C’est la première fois que j’en entends parler…" Et voilà que les Algériens s’en mêlent, suivis par les Libyens et les Marocains. Ils crient tous au trafic de visas pour La Mecque, dénoncent un "business du pèlerinage" profitant aux Subsahariens !

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Je ne veux m’attarder ni sur le pourquoi et le comment de cette histoire, ni sur les agences, intermédiaires véreux ou graines d’islamistes convertis au trafic religieux. Je veux m’insurger contre l’ingratitude. Dénoncer toutes ces voix qui, au lieu de pointer du doigt les autorités et les intermédiaires maghrébins qui ont consenti à de tels détournements de procédure, s’empressent d’accuser les pays subsahariens de brader visas et passeports.

Comme moi, vous savez à quel point les Nord-Africains ne "calculent" pas du tout les Subsahariens, quand ils ne les dénigrent pas.

La Mauritanie et la Gambie n’ont pas été démarcher les Tunisiens. En revanche, ces derniers n’ont pas eu de scrupules à se servir. Ni à tricher alors que, paradoxalement, il s’agissait d’aller accomplir un devoir religieux. La loyauté exige de reconnaître que la Mauritanie et la Gambie ont secouru des centaines des pèlerins au bord de la crise de foi. Et d’avouer que, en d’autres circonstances, ces derniers n’auraient jamais regardé vers l’Afrique noire.

Comme moi, vous savez à quel point les Nord-Africains ne "calculent" pas du tout les Subsahariens, quand ils ne les dénigrent pas. Les étudiants noirs qui fréquentent les universités nord-africaines et les fonctionnaires de la Banque africaine de développement, à Tunis, en savent quelque chose. Bien sûr, on peut tiquer sur des méthodes louches ou condamner un trafic sur lequel nos amis du Sud ont peut-être fermé les yeux. Mais on peut y voir aussi, de leur part, une forme de compassion, voire de collaboration inédite. À défaut de réels échanges économiques ou culturels, voici l’Union africaine au travers d’un commerce inédit et de réseaux impénétrables. Allah est grand !

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