Bénin : Faissol Fahad Gnonlonfin, défricheur d’images

Pionnier du film documentaire dans son pays, ce jeune Béninois est l’un des espoirs d’une nouvelle génération de réalisateurs africains engagés.

Paris. Bercy . Faissol Fahad Gnonlofin, réalise et produit des films documentaires en France et en Afrique.-scr © Camille Millerand/J.A.

Paris. Bercy . Faissol Fahad Gnonlofin, réalise et produit des films documentaires en France et en Afrique.-scr © Camille Millerand/J.A.

Publié le 4 novembre 2013 Lecture : 4 minutes.

À Lussas, le bourg ardéchois qui accueille chaque année les États généraux du film documentaire, il ne passait pas inaperçu avec son boubou rouge en basin au milieu des adeptes du short et du débardeur négligé. Faissol Fahad Gnonlonfin était l’un des rares réalisateurs africains présents au festival cet été. Un symbole. Car pour une fois, ce n’est pas un documentariste blanc qui évoquait en images le continent africain, mais un enfant du Bénin.

Comment ce jeune homme studieux, né en 1985 dans le village de Hozin (à l’ouest du pays), est-il devenu un pionnier du film documentaire dans son pays ? Bien parti pour poursuivre des études scientifiques, il change d’idée en 2006 lorsqu’il apprend qu’une école de cinéma, l’Institut supérieur des métiers de l’audiovisuel (Isma), ouvre à Cotonou. « Je pensais d’abord me perfectionner dans les domaines techniques, faire de la maintenance, du câblage… mais comme j’étais seul à choisir cette filière, j’ai dû me reporter sur la réalisation », précise Faissol. De formations en résidences, grâce à Africadoc (un programme français pour le développement du cinéma documentaire africain), il apprivoise la caméra. Et comprend que la réalisation est à sa portée. « Je me suis rendu compte que l’économie du documentaire était adaptée aux réalités africaines : je pouvais témoigner de ce qui m’entourait sans dépenser des millions, en mobilisant une petite équipe de deux ou trois personnes. »

Dans son premier 52 minutes, Obalé le chasseur, il filme l’intronisation d’un villageois béninois dans la confrérie des chasseurs, après avoir étudié le terrain pendant deux ans.

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Son master 2 « documentaire de création », il le décroche à Grenoble. Épaulé par des réalisateurs tricolores, c’est en France, dans la banlieue parisienne, qu’il vit aujourd’hui. Mais Faissol n’oublie pas ses racines, au contraire. Dans son premier 52 minutes, Obalé le chasseur, il filme l’intronisation d’un villageois béninois dans la confrérie des chasseurs, après avoir étudié le terrain pendant deux ans, passant parfois des nuits au village. « Cette description d’un rite initiatique de l’intérieur, un Blanc n’aurait pas pu la faire, il n’aurait pas été accepté », estime Jean-François Hautin, l’un des enseignants qui a formé Faissol. Le professeur se souvient d’un élément particulièrement mûr et humble, « à la différence de beaucoup d’Européens qui envisagent la profession ». Et il se félicite que ce soit un Africain qui puisse enfin jeter un regard sur son propre continent : « Quoi qu’on dise, la sensibilité, les préoccupations ne sont pas les mêmes. »

Mais Faissol a déjà fait mieux : il a posé un regard africain sur une problématique hexagonale. Dans son deuxième opus, Ni ici ni ailleurs, il s’intéresse à la mobilisation contre l’exploitation du gaz de schiste en Ardèche. Le réalisateur fait le lien avec l’Afrique, soumise à l’extraction de ressources naturelles au détriment des plus démunis. « La prochaine étape sera de filmer l’arrivée des pétroliers et des gaziers en Afrique noire », annonce Faissol. Bien décidé à dénoncer les agissements des multinationales et la corruption des élites, il cite en modèle le réalisateur belge Thierry Michel, aujourd’hui persona non grata au Congo et au Cameroun pour avoir critiqué les autorités. « Mon ambition c’est de filmer le réel, sur le terrain, même si c’est dangereux. »

Faissol entraîne d’autres professionnels de l’image dans son sillage. Non content de réaliser ses films, le jeune homme a choisi de créer sa propre société au Bénin (où il réside un peu plus de deux mois par an) même s’il peste contre la fiscalité du pays. Merveilles Production soutient des cinéastes de sa génération et des projets souvent militants. L’un d’eux, diffusé à partir de fin octobre, signé de la Béninoise Evelyne Agli, intitulé Sans ordonnance, s’intéresse à la vente de faux médicaments transitant généralement par le Nigeria. Et entre deux demandes de financement, des calculs de budget, des coups de pouce aux amis réalisateurs, la promotion de ses documentaires dans les festivals (Québec, Dubaï, Paris…), cet homme pressé trouve encore le temps de réaliser un nouveau projet : un film sur la fanfare béninoise Eyo’nlé.

Reste encore à pouvoir présenter ses productions à un public africain. Dans le domaine du film de fiction, le Bénin, même s’il compte quelques réalisateurs de poids (Jean Odoutan ou Sylvestre Amoussou), n’est pas aussi bien servi que le Burkina Faso, qui accueille chaque année le Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (Fespaco). Montrer des documentaires ancrés dans le réel est encore plus compliqué. Faissol, responsable d’Africadoc Bénin, planche sur leur diffusion dans le pays. Une tâche compliquée. Au-delà des cinémas numériques ambulants et de la vente de DVD, c’est surtout les télévisions qu’il faut convaincre de montrer des programmes. Pas évident quand on ne tient pas à flatter le pouvoir en place et qu’on montre plein écran une réalité que beaucoup voudraient cacher.

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