CPI – UA : Justice pour les Kényans !

Netsanet Belay est directeur Afrique d’Amnesty International.

Publié le 12 novembre 2013 Lecture : 3 minutes.

Le 12 octobre, au risque de piétiner les droits des victimes des violences post-électorales au Kenya, les dirigeants du continent ont remis en cause le travail de la Cour pénale internationale (CPI), et ce fut un jour triste pour les droits de l’homme en Afrique. La déclaration qui a été adoptée à l’issue du sommet extraordinaire de l’Union africaine (UA) stipule qu’aucun chef d’État ou de gouvernement en exercice ne devrait être appelé à comparaître devant la CPI. Cela revient à accorder une immunité aux hommes politiques et menace directement la justice, en Afrique et ailleurs dans le monde.

À Addis-Abeba, les dirigeants africains ont placé leurs propres intérêts au-dessus de ceux de leurs peuples, au-dessus de ceux des victimes de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide. Le message est clair : ils considèrent qu’ils sont au-dessus des lois.

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Et pourtant, ç’aurait pu être pire. Il y avait eu, avant même le début du sommet, des rumeurs d’un retrait massif du traité de Rome (le texte fondateur de la CPI). Ça n’est pas arrivé, et il appartient maintenant au Conseil de sécurité des Nations unies de faire preuve de fermeté et de refuser la demande d’ajournement des procès du président et du vice-président kényans. Bien sûr, on imagine combien ces deux hommes sont désireux d’éviter la CPI, mais leurs souhaits pèsent-ils vraiment plus lourd que les 1 000 personnes mortes dans le sillage des élections de 2007 ? Comptent-ils plus que les droits des 6 000 déplacés que l’on recensa à l’époque ?

Aujourd’hui respectivement président et vice-président du Kenya, Uhuru Kenyatta et William Ruto étaient déjà des personnalités politiques de premier plan au moment des violences. Ils sont accusés de meurtres, de transfert forcé de population et de persécution – des chefs d’inculpation qui tous relèvent du crime contre l’humanité. Kenyatta est en outre soupçonné de viols et d’autres actes inhumains – des crimes commis par les membres du gang Mungiki, réputés fidèles au nouveau chef de l’État.

En plaidant en faveur de Kenyatta et de Ruto, l’UA autorise le gouvernement kényan à faire défaut à ses engagements internationaux.

Pour l’UA, que sa charte engage au respect du droit, la décision du 12 octobre est dramatique. D’autant qu’en plaidant en faveur de Kenyatta et de Ruto elle autorise le gouvernement kényan à faire défaut à ses engagements internationaux, alors même que le Kenya est signataire du traité de Rome et que, de ce fait, Kenyatta et Ruto sont dans l’obligation de se conformer aux dispositions dudit traité et d’assister à leur procès. Ni l’un ni l’autre ne devraient utiliser l’horrible tragédie du Westgate Mall pour se soustraire à la justice.

Les victimes de 2007 attendent depuis plus de cinq ans : elles ont attendu en vain que la justice s’exerce au Kenya avant que la CPI soit contrainte de s’emparer de l’affaire. Les procès doivent continuer, et il n’appartient qu’aux juges de décider si un accusé peut être dispensé d’assister à toutes les audiences, sachant que la Cour a déjà fait des concessions qui risquent d’avoir des conséquences sur la crédibilité des procès en question.

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À Amnesty International, nous pensons que tout autre aménagement, toute autre concession minerait l’ensemble du processus et qu’il est important que l’UA se place du côté des victimes plutôt que du côté de ceux qui sont soupçonnés d’avoir été leurs bourreaux.

La CPI n’est peut-être pas parfaite, mais elle est la seule à pouvoir agir quand les systèmes judiciaires nationaux sont pris en défaut. Il appartient désormais au Conseil de sécurité de l’ONU de décider s’il veut satisfaire aux exigences de l’UA, mais nous, à Amnesty, nous espérons que ce sont les intérêts des Kényans qui primeront.

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